Kitsoro Firmin Ch. KINZOUNZA

Consultant international en Management

Sociétaire du Cesbc

Membre de l'École Congolaise d'Économie

 

 


 

 

17/11/2020

Le logiciel mental : un système

* * *

1. Le logiciel mental comprend :

- les mentalités (le système des valeurs) ;

- les attitudes ;

- les habitudes ;

- les modèles de référence puisés dans la famille, l’école  et la société en général ; parmi ces modèles, il convient de distinguer les modèles à proprement parler (l’ensemble des individus qui reproduisent les valeurs de progrès ou valeurs positives), des anti-modèles, en l’occurrence les personnes qui reproduisent les anti-valeurs.

Si nous admettons que le logiciel mental est un système, alors l’on pourrait avancer que ses sous-systèmes se déclinent comme suit :

- Sous-système 1 : les mentalités (le système des valeurs positives ou l’héritage culturel transmis par le biais du conditionnement social) ;

- Sous-système 2 : le cognitif (les informations reçues et les connaissances accumulées) ;

- Sous-système 3 : le sensorimoteur (ou psychomoteur) ou le savoir-faire ;

- Sous-système 4 : l’affectif (les relations interpersonnelles et les attitudes) ou le savoir-être.

2. Les sous-systèmes sont tous cohérents entre eux et sont alignés sur les trois directions suivantes du logiciel mental :

- progrès ;

- inertie (stagnation) ;

- régression.

Le logiciel mental reflète  cette cohérence et a un impact positif (s’il est orienté progrès) ou négatif (s’il est orienté inertie/stagnation ou régression) sur les comportements individuels et collectifs.

3. Dans la perspective du Management Par Objectifs (MPO) ou de la Gestion Axée sur les Résultats (GAR), la recherche des comportements conformes aux résultats attendus implique la transformation du logiciel mental des personnes concernées afin de s’assurer qu’il est orienté vers le progrès.

Dans la même veine, l’on peut avancer que les pays dits sous-développés (ou sous-managés) sont les pays dans lesquels les comportements de la majorité  des dirigeants et de la population sont orientés inertie/stagnation ou régression. Par conséquent, pour passer de l’état de sous-développement à celui de développement, il conviendrait de concevoir, de développer et d’implanter un logiciel mental collectif orienté vers le développement. En effet, comme le souligne Alex MUCCHIELLI, « (….) derrière tout "développement’’, il y a certes des conditions techniques, économiques et politiques, il y a surtout des attitudes nouvelles et une conception nouvelle du monde. »[1].

Jong Dae PARK (2019) abonde dans le même sens lorsqu’il soutient que la racine du sous-développement en Afrique demeure la qualité du logiciel mental collectif : « Personne ne peut soutenir le contraire, à savoir que sans un changement fondamental du [logiciel mental] des dirigeants et des populations, il n’y aura point de progrès réel. »[2]. L’auteur utilise le terme ‘’mindset’’ (état d’esprit)  en lieu et place de ‘’logiciel mental’’. L’état d’esprit peut être inclus dans ‘’Attitudes’’. En effet, dans notre nouveau paradigme, « Attitudes » fait partie du logiciel mental dont il constitue l’un des 4 sous-systèmes.

4.   À l’appui de sa thèse Jong-Dae PARK (2019) cite huit facteurs qui constituent des éléments négatifs de tout logiciel mental qui bloque le progrès (cf. tableau ci-dessous).  

Caractéristiques / Syndromes d'un logiciel mental orienté régression

Syndromes / Caractéristiques  

Description

1. Syndrome de dépendance

1.1. Attendre l'aide des autorités gouvernementales pour les choses les plus élémentaires qu'elles peuvent faire pour elles-mêmes ;

1.2. Négligence ou irresponsabilité totale : les habitants attendent que les ouvriers de la ville se présentent et enlèvent les ordures.

2. Le syndrome "qu'est-ce qu'il y a - pour - moi ?

 moi ?  dans ce projet"

2. Tendance des fonctionnaires à mettre les missions officielles en veilleuse ou à les négliger complètement s'ils ne voient pas ce qu'ils y gagnent.

3. Le syndrome du «retour en arrière»

3.1. Tendance à retenir ou à reculer la pédale au lieu d'avancer pour s'appuyer sur ce qui a déjà été réalisé ;              

3.2. Les employés locaux, s'ils ne sont pas placés sous «l'attention particulière» de la direction finissent par poser des problèmes ou passer à côté des opportunités qui leur seront certainement bénéfiques (l'emploi de longue date).                

4. Le syndrome du laisser-aller (ou de l’à peu près)

4.1. Tendance à prendre des raccourcis ; en conséquence, une «supervision» étroite et continue sur site, s’avère  nécessaire.               

4.2. Le travail bâclé, l'habitude de laisser les choses en suspens, la procrastination, le non-respect des délais et des promesses, etc. constituent la «norme» plutôt que l'exception.               

5. Manque d'action et de mise en œuvre

5.1. Les donateurs sont impressionnés par la compréhension des problèmes par les gens et par la compréhension des mesures à prendre pour trouver des solutions               

5.2. Le problème réside dans la mise en œuvre: la réticence à agir est un problème très grave en toutes circonstances. L’absence d’initiative pour l’exécution de choses simples dans le domaine public est si commun qu'il est accepté comme la norme, et on ne le remarque que lorsque quelque chose a réellement changé               

6. Faible sentiment de responsabilité

ou d'appropriation

6. Il est très difficile de faire avancer les choses, même au plus petit niveau. Il est très facile de  ne rien faire de se plaindre et de critiquer. Ce qu'il faut, c'est passer des nations qui se plaignent à celles qui agissent.

7. Faible sens de la nation ou du patriotisme

7. Le faible sens de la nation et du patriotisme et en corrélation avec le faible fonctionnement des États ; ces deux se nourrissent mutuellement. D'un point de vue national, la propagation du patriotisme qui transcende le repli identitaire serait un objectif idéal à atteindre. 

8. «Culture de la commission»

8.1. Pratique des personnes à tous les niveaux voulant recevoir une «commission» comme si elles y avaient droit.               

8.2. La «culture de la commission» est l’une des nombreuses facettes de la corruption.               

Source: PARK, Jong-Dae, (2019), Re-inventing  Africa  development, Palgrave Macmillan, Cham.

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5.   Pour conclure :

- dans l’hypothèse 1, le logiciel mental est orienté progrès ; dans ce cas les comportements des individus porteurs de ce logiciel mental seront également orientés vers le  progrès. Ainsi, le développement rapide du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle Zélande s’explique par l’arrivée des migrants anglais appauvrie par la révolution industrielle en Angleterre. Ces migrants étaient porteurs d’un logiciel mental orienté progrès qui s’est par la suite diffusé dans les sociétés où ils s’étaient retrouvés, les rendant ainsi aptes au développement ;

- dans l’hypothèse 2, les anti – modèles porteurs des anti – valeurs ont un impact négatif sur les mentalités, les attitudes et des habitudes de ka grande majorité de la population. Dans ce cas, le logiciel mental orienté inertie ou régression va prospérer, annulant ainsi tout effort de développement, malgré les injections des dons, des investissements  et des aides de toutes sortes, en provenance de l’étranger.

L’hypothèse 2 explique la situation de sous – développement (ou de sous-management) des pays Africains au Sud du Sahara, comme nous l’avons largement expliqué dans notre ouvrage[3].  

 


[1] MUCCHIELLI, Alex (1985), Les mentalités, Paris, PUF, Collection ‘’Que sais – je ?, pp 64 - 65

[2] Dong – Jae PARK, 2019, Re – inventing Africa’s development, Springer International Publishing

[1] Voir également KINZOUNZA, KFC (2020), Mental software and economic development in sub-saharan Africa, CESBC, Evry (France)

 

 

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