Albert N'KIBI
LUSSIALALA DE LA POUSSIÈRE

Rédaction et Mise en page : Daniel MATOKOT


 

Hommage à

 

LUSSIALALA 

De la poussière à la poussière…

 

 

« Si la Mort avait des yeux

Il devait savoir qui prendre et qui laisser »,

Chantait Loussialala la Poussière.

« Mais comme la Mort n’a pas des yeux

C’est du n’importe quoi »,

Nous avons perdu un artiste de talent, le 28 Septembre 2011, à Pointe Noire (République du Congo), des suites d’une crise cardiaque.

Car avec la mort :

« Il ne blague pas

Il est le seul patron,

Mal placé ou bien placé,

C’est pas l’affaire de monsieur la Mort… »

Nous l’avons connu à Brazzaville, dans un « foula-foula » ou un bus de la S.T.U.B., se rendant le matin au C.E.F.R.A.D., son lieu de service ; ou à pied, le soir, après une dure journée de travail, rentrant sans se presser à son domicile, en « musiquant » en cours de route, pour le grand bonheur des mélomanes, sur son inséparable « ngomfi », la petite guitare traditionnelle bembé.

La légende nous a appris que son don s’est exprimé pour la première fois à l’âge de six ans.

Le petit Albert  N’Kibi, né à Myamba Mouyondzi (Congo Brazzaville) se voit confier un « ngomfi » par un homme (il a peur que l’enfant n’abime son précieux instrument) pour qu’il le lui porte au village. Non seulement la guitare arrive à bon port saine et sauve, mais le jeune garçon a eu le temps de « musiquer » dessus et de composer sa première chanson « Kidilu », qui demeure à ce jour un de ses meilleurs morceaux.

Cette expérience pousse le petit Albert à fabriquer lui-même son propre « ngomfi ». Il apprend aussi à jouer de la percussion (« lokolé » et tam-tam).

 

Rapidement, il se fait connaître dans la région comme un virtuose du « ngomfi ». La foule, enthousiaste, danse frénétiquement sur ses rythmes endiablés, si bien que la légende dit:

« Quand Albert joue, tout le monde danse, et alors, il faut voir voler la poussière... »

 Sa musique trépidante est  irrésistible et nous, résidents des quartiers Moungali et Poto-poto (Brazzaville), amateurs de la bonne musique, avons reconnu le génie. Très vite, nous avons fait nôtre le surnom donné au village : De la Poussière.  Nous lui avons adjoint, en 1968, un autre surnom, Loussialala, lorsque "De la Poussière" enregistre « Loussialala », titre qui lui ouvrira les portes d’une carrière internationale. Nous avons scandé avec lui:

«Ah ! Ah ! Loussialala

Il faut que je te trouve… »

La carrière internationale l’a finalement trouvé

Au journaliste Justin Bakouma Benghot, du magazine culturel congolais La Cigale, qui lui demande en 1987 ce que représente la musique pour lui, il répond :

« C’est une puissance, une lumière qui éclaire ma mémoire. Elle est aussi pour moi une nourriture, je ne peux pas m’en passer, car personne ne dira qu’il ne peut pas manger. »

Pendant toute sa carrière il se fait rouler par des producteurs. Cela ne l’empêche pas d’aller de l’avant :

« Je ne peux pas laisser tomber, parce que la musique est en moi. Certains font la musique parce qu’il leur manque du travail, mais ce n’est pas pareil pour moi. Enfant, je jouais déjà du « lokolé » dans mon petit village Moutété. C’était en 1947. Ensuite, j’ai joué du tam-tam avant d’adopter définitivement le « ngomfi » et de devenir chanteur. Malgré les difficultés, ce n’est pas après quarante ans de musique que je vais abandonner. »

Il a eu raison de s’accrocher.  Son sens inné de l’humour et de la repartie ; sa voix cassée, tordue, grinçante, douce, tendre, inimitable de « blues man » à la congolaise, car naturelle et originale ; son écriture  simple qui nous  plongent dans les réalités et les contingences de la vie urbaine et rurale, confirment l’espoir que le peuple du Congo profond a placé en lui.

Son rire « carnavalesque » prend naissance au plus profond des festivités populaires et  choisit pour cible le petit ou le grand pour affirmer l’alternance perpétuel du Haut et du Bas. Il est musicalement communicatif.  L’artiste rigolo enchaîne vite les succès tels que « Copine » et « La mort n’a pas des yeux ».

En solo ou en groupe, nous l’avons vu multiplier les expériences musicales : avec les Balka Sound qui tentent l’expérience de mêler modernisme et tradition ; avec le groupe Ngavouka composé d’une quinzaine d’artistes dont l’objectif est de présenter au monde des danses et des musiques des neuf régions du Congo Brazzaville.

Il devient l’ambassadeur de la musique congolaise et fait des tournées à maintes reprises au Congo Kinshasa et dans tous les pays du monde : U.R.S.S. (1974), Nigéria (1977), Angola (1978), Algérie (1983), U.S.A. (1983), Brésil (1984). On le retrouve avec le Rocado Zulu Théâtre de Sony Labou Tansi des années 80, BBKB (1990), BBLB (1991), Histoires de soldats à Bordeaux (Koffi Kwahulé 2002), avec Antoine Mundanda.…

Nous avons appris qu'il résidait depuis de nombreuses années en Suisse.

Pendant la 6e édition du Tamtam d'or des Trophées de la musique congolaise qui a eu lieu à Owando dans la Cuvette le 24 février 2011, un hommage avait été rendu à l'artiste, en lui décernant le prix du manager, celui de la médaille du Commandeur du Mérite congolais.

Au bout de la course, on est rattrapé par la mort :

« Avec la mort

Il n’ya pas de raison à donner

Plus intelligent que la mort

Ca n’existe pas

Plus fort que la mort ?

Ca n’existe pas

Donc avec la mort vraiment

Il n’y a pas de raisons à donner. »

 

Et comme il s’appelle De la Poussière, l’heure est venue :

 

De la Poussière est retourné à la poussière.

 

 

 

Quelques titres

Kidilu

Loussialala

Copine

La mort n’a pas des yeux 

Chérie je t’aime

Ntsil Dia Buri

We Yèle

Songe

Mia Wana Ko

Na wa Yende Na Mbongo

 

Lyrics

La mort n’a pas des yeux

Compositeur : Loussialala de la Poussière

 

Y’en a qui dit :

« Je suis le plus beau de tout le monde

J’ai beaucoup de moyens

Toi et moi, c’est pas pareil

Tu sais quand moi je passe

Les femmes derrière moi

Tu sais quand moi je passe

Les garçons derrière moi

Alors tu ne me vaux pas

Je suis bien placé ! »

 

Est-ce que la mort a des yeux ?

Si la mort avait des yeux

Il devait savoir qui prendre et qui laisser

Il devait peut-être prendre nous les pauvres

Mais comme la mort n’a pas des yeux

C’est du n’importe quoi

Bien placé ou mal placé

C’est pas l’affaire à la mort hein !

Avec la mort !

Etre plus fort que la mort ?

C’est pas vrai

 

Y’en a qui dit :

« Ecoute un tel est hospitalisé

Et qu’il est sorti de l’hôpital »

Mais il y a plusieurs façons de sortir de l’l’hôpital

On est malade à l’hôpital, on est guéri,

On sort de l’hôpital

On est malade, on doit mourir à l’hôpital

On sort aussi de l’hôpital

On va pas rester à l’hôpital !

Il faut savoir poser les questions

Vous parlez de n’importe quoi

 

Avec la mort il n’ya pas de raisons à donner

C’est tout le contraire

Quelqu’un est malade à l’hôpital

Au lieu d’aller lui rendre visite

Non ! Il ne veut même pas y aller

« Et quand il va mourir dis donc ?

Les dépenses qui débordent bellement, Dieu ! »

 

Y’en a qui dit :

« Mais écoutez tu sais mais il est mort

Tu sais qu’il avait beaucoup de diplômes

Il n’avait pas de moyens c’est un pauvre »

 

D’autres qui dit :

« Mais il était sorcier

Tu sais il a couru vite »

Et le nouveau né ?

« On vient de le naître aujourd’hui »

La mort qui dit :

« C’est mon affaire »

Son père et sa mère qui se jettent par terre

La mort qui dit :

« Mais continuez à se jeter un peu plus loin

Tu vas aller tomber sur un tesson

Je vais te récupérer »

 

Avec la mort ?

Mais il ne blague pas

Il est le seul patron

Mal placé ou bien placé

C’est pas l’affaire de la mort

Les microbes !

L’européen pour fuir les microbes

Il a construit en étage

Tchiadi, hein !

La mort qui dit :

« Moi je grimpe plus que ça

Tu peux aller jusqu’à la lune hein !

Je suis avec toi »

Donc c’est la mort qui reste le seul patron

Avec la mort il n’ya pas de raisons à donner

Plus intelligent que la mort ?

Ca n’existe pas

Plus fort que la mort ?

Ca n’existe pas

Donc avec la mort vraiment

Il n’y a pas de raisons à donner

Même si la mort avait des yeux

Il devait savoir qui prendre et qui laisser

Mais comme la mort n’a pas des yeux

C’est du n’importe quoi

Mal placé ou bien placé

C’est pas l’affaire de la mort.

 

 

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Archive


Interview de Lussialala

la Cigale Magazine cultrurel congolais

1ère année, N° 3, 1987, Pages 18 et 19

 

 

 

 

Culture Le 6 août 1997 à 7h51

Festival de Langon (France) en 1997

Extrait du Journal Libération

Des jours plus atypiques que les nuits. Festival de Langon: une initiation à des traditions musicales, lointaines ou non.

Par GOMEZ François-Xavier

Albert Nkibi est un curieux petit bonhomme claudicant, plus tout jeune (il est né en 1939), toujours accompagné de son ngonfi, un petit luth taillé dans le bois et tendu de fils de fer (un cousin du ngoni d'Afrique de l'Ouest). Connu dans son pays, le Congo, sous le surnom de Loussialala de la Poussière, il se revendique «griot international». Sur la scène du village atypique, sous le soleil cassant du début d'après-midi, il tire des notes aigrelettes de son instrument et prévient: «Cette chanson, elle est profonde, vous allez encaisser les larmes», avant de se lancer dans une parodie de bluette sentimentale. Dire qu'il chante bien serait très exagéré, mais le public assis sur l'herbe passe un bon moment. Il est sans doute le plus atypique des artistes invités cette année aux Nuits atypiques de Langon (31 juillet-3 août), à une cinquantaine de kilomètres de Bordeaux. Village exotique.

 Lien

 

 

 

 

Album : Pas Et Echos D'Exil

Production: Gilbert Salladin

 

Piste

Titre

Durée

1

Ma Kono (Loussialala)

4:54

2

Ntsil 'Dia Buri (Loussialala)

4:32

3

We Yèle (Loussialala)

4:37

4

Songe (Loussialala)

5:41

5

Mia Wana Ko (Loussialala)

5:06

6

Na wa Yende Na Mbongo (Loussialala)

6:48

7

Nguba Dza Nkatu (Salladin)

4:55

8

Kikoyi Kia Sala (Salladin)

5:15

9

Wa Mbandikila (Salladin)

3:15

10

Lussialalal (Loussialala)

5:37

 

 

Pour écouter la chanson "Copine", cliquez sur le lien ci-dessous


Copyright @ 2006-2012 Centre d'études stratégiques du bassin du Congo   -   Tous droits réservés