La population congolaise :

évolution à long terme et impact sur les régimes sociaux

 

 

Sommaire

Introduction

1. Évolution de la population

2. Occupation de l’espace et disparités régionales

3. L’extrême jeunesse de la population

4. Une population majoritairement urbaine

5. Migration forcée des populations

6. Perspectives d’évolution

6.1. Perspectives générales

6.2. L’infection à VIH/SIDA et ses conséquences sur les perspectives démographiques du Congo

6.3. Perspectives dérivées

6.4. Coûts économiques et sociaux de l’évolution démographique du Congo à l’horizon 2030

a. Evolution des gains de productivité

b. Taux de chômage à long terme

c. Taux d’activité

 

Introduction

La population congolaise a été longtemps mal connue. Les premiers recensements ont commencé dans les années 1930 avec la politique de regroupement des villages le long des axes de circulation. Mais ces opérations se sont limitées aux zones rurales. Les recensements en milieu urbain ont démarré en 1947 à Dolisie dans le Niari. Ils se sont poursuivis en 1949 à Pointe Noire et 1950-1951 à Brazzaville (Sautter, 1966). Plusieurs autres opérations statistiques ont été entreprises par la suite dans l’ensemble du pays : 1958 et 1962 à Pointe Noire, 1961 à Brazzaville et 1960-1961 au niveau national.

En 1972-73, les opérations de recensement reprennent avec le projet pilote d’observation permanente des faits démographiques dans la Lékoumou. Ce projet va permettre la mise au point des outils qui serviront au recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) qui intervient en 1974. Les résultats du RGPH 1974 obligent le Ministère du Plan à redresser les tendances d’évolution de la population congolaise, les évaluations démographiques antérieures ayant été sous-estimées de 17 % environ ce qui correspond à 202 000 personnes en 1970 (cf. tableau 1).

Le dernier recensement général de la population et de l’habitat s’est déroulé en 1984. Par la suite, les opérations de dénombrement se sont limitées au recensement agricole en 1986 et aux recensements administratifs en 1992, 1996 et 2002 pour la détermination du corps électoral.

1. Evolution de la population

Des années 1920 à la fin des années 50, la population congolaise est passée de 440 000 à 910 000 habitants, soit un doublement en quatre décennies. Au RGPH 1984 la population recensée est de 1 912 429 habitants dont 96 639 étrangers soit 5,1 % de la population totale. Ce chiffre correspond à une augmentation de près 100 % en une vingtaine d’années alors qu’il a fallu deux fois plus de temps pour voir la population doubler au cours de la période précédente.

Cette évolution marque une hausse de la croissance démographique. Celle-ci passe de 1 % par an dans les années vingt à 1,7 % par an au cours des années cinquante. La croissance de la population connaît ensuite ensuite une accélération avec 2,1 % au cours des années soixante, 2,7 % durant les années soixante-dix et 3,45 % au début des années quatre-vingts. Pendant cette période la densité de la population passe de 1 habitant au km2 en 1920 à 3,8 hab./km2 en 1974 et 5,6 hab./km2 en 1984.

Tableau 1.

La population congolaise de 1950 à 2000

Année

Extrapolation à partir de RGPH 1974

Estimations CNSEE à partir de RGPH 1984

Estimations

et projections des Nations Unies

1951

-

-

814 000 d/

1953

790 000

-

-

1959

911 000

-

980 000 d/

1963

1 001 000

-

-

1965

1 070 000

-

1 111 000 d/

1970

1 182 000

-

1 263 000 d/

1974

1 319 790

-

1 447 000 d/

1980

1 551 000

-

1 669 000 d/

1984

1 719 000

1 843 700

1 924 000

1990

-

2 179 100

2 232 000 e/

2000

-

2 854 600

3 561 000 e/

Sources : a/ Ministère du Plan, Annuaire statistique 1974, CNSEE, Brazzaville, 1975. b/Ministère du Plan, Annuaire statistique 1981, CNSEE, Brazzaville, 1982. c/ Ministère du Plan, Recensement général de la population et de l’habitat 1984, Brazzaville CNSEE, 1985.

d/ United Nations, World Population Prospects : The 1996 Revision, New York, 1997. e/United Nations, World Population Prospects : The 2002 Revision, Highlights, New York, 2003.

La population congolaise est donc en augmentation rapide depuis les années soixante. Malgré une mortalité infantile encore élevée (plus de 85 ‰ en 1985), le taux de fécondité qui atteint 6,29 enfants par femme (EPF) depuis le début des années 1970 a permis de soutenir l’accroissement naturel moyen de la population (cf. le tableau 2).

En l’absence de recensement général de la population après 1984, les chiffres avancés par différentes sources sont des extrapolations établies à partir des tendances passées, particulièrement celles observées au cours de la période intercensitaire 1974-1984. Les techniques de calcul sont bien connues et les modèles de base se présentent sous la forme suivante :

où :

- r désigne le taux de croissance moyen,

- P1 et P2, expriment la population totale à deux moments donnés ;

- t est le nombre d’année entre les deux recensements.

Le taux de croissance est alors la résultante. En prenant en exemple les recensements de 1974 et 1984, et le taux de croissance correspondant r, la population de 2000 est calculée de la manière suivante :

P2000 = P1984 er3

Les différentes estimations, notamment celles du Centre national de la Statistique et des études économiques (CNSEE), un organisme du Ministère qui du Plan, de l’US Bureau of the Census ou de la Division de la Population du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat des Nations Unies divergent très sensiblement les unes des autres.

Pour les Nations Unies, en 2000, la population du Congo devait se situer entre  3,45 millions d’habitants (fécondité faible) et 3,55 millions (fécondité forte) alors que le CNSEE et l’US Bureau of the Census dénombraient 2,85 millions d’habitants, soit une différence de 25 %.

Tableau 2.

Évolution des indicateurs démographiques : 1950-2050

1950-55

1980-85

2000-05

2010-15

2015-20

2020-25

2025-30

2030-35

2035-40

2045-50

Taux de fécondité (enfants par femmes)

5,68

6,29

6,29

5,58

5,04

4,44

3,85

3,35

2,96

2,64

Taux de mortalité infantile (pour 1000 naissances vivantes)

169

85,6

84

65,9

57

48,5

40,8

34,6

29,5

22,4

Taux de croissance démographique (en %)

2,04

3,19

2,57

2,81

2,67

2,49

2,26

2,03

1,82

1,4

Espérance de vie à la naissance avec le VIH/SIDA (en an)

42,1

56,8

48,2

51,6

53,1

55,2

57,3

59,2

61,0

64,1

Espérance de vie à la naissance sans le VIH/SIDA (en an)

42,1

56,8

58,1

62,1

-

-

-

-

-

72,7

Sources : United Nations, World Population Prospects : The 1996 Revision, New York, 1997 ; World Population Prospects : The 2002 Revision, Highlights, New York, 2003.

Cette différence s’explique par le fait que, pour la période 1984-2000, les Nations Unies ont retenu probablement un taux de croissance démographique constant de 3,48 % par an, le même que celui de la Projection ILTA (CEE-ILTA, 1984) pour de la période intercensitaire 1974-1984 (6,29 enfants par femme) ; ce taux conduit à un doublement de la population tous les 20 ans. Le CNSEE et l’US Bureau of the Census retiennent un taux de croissance moyen proche de 2,82 % (hypothèse basse) qui indique que le Congo a déjà amorcé sa transition démographique qui se caractérise par une baisse de la fécondité. Ce phénomène qui intervient plutôt que prévue revient à doubler la population tous les 25 ans.

Le Congo a organisé en 1996 un troisième recensement général de la population. Mais les résultats avaient suscité des critiques très vives de la part des experts démographes internationaux parce qu’ils n’étaient pas conformes aux tendances générales d’évolution de la population congolaise observées dans le passé, tant au niveau national qu’à celui des régions. Les tendances observées pendant la période intercensitaire 1974-1984 donnent pour les régions (hors centres urbains) un taux d’accroissement démographique annuel moyen de 1,2. Or, selon le recensement de 1996, trois régions se retrouvent avec un niveau de population qui laissent croire que la croissance démographique y a été de 5 % par an au cours de la période 1985-1995. Si croissance de cette importante il y a eu, elle a dû se faire au détriment de Brazzaville et Pointe Noire. Les deux métropoles, qui sont les principaux pôles d’attraction de l’exode rural, auraient du voir les flux de nouveaux arrivants chuter brutalement. Par surcroît, elles sont les seules localités disposant d’une réserve de population susceptible d’alimenter un phénomène de cette ampleur. Or ce n’était pas le cas. À l’évidence, les résultats avaient été manipulés en vue des élections de 1997. Ce recensement a été invalidé en 1998 pour « préserver la paix » selon le gouvernement de Denis Sassou Nguesso.

2. Occupation de l’espace et disparités régionales

La population congolaise est très inégalement répartie. En effet en 2000, la densité varie de 0,91 hab./Km² dans la Likouala à 14,94 hab./Km² dans la Bouenza (cf. le tableau 3). Entre le recensement de 1974 et celui de 1984, la population rurale est passée de 819 430 habitants à 934 849 et la population urbaine de 500 360 à 977 580 habitants. Durant cette période, les taux d’accroissement démographique annuel sont de 1,2 % pour la zone rurale et de 6,4 % pour les centres urbains.

L’analyse démographique régionale montre que la Likouala a connu le taux d’accroissement le plus important avec 4,63 % en raison de l’afflux dans la région des personnes attirées par les chantiers du Plan quinquennal 1982-86. Par contre le Kouilou (0,12 % de croissance annuelle) et le Pool (-0,43 %) ont vu leur population stagner voire baisser. En effet, le Kouilou a perdu Loandjili (40 000 habitants en 1984). Le district a été rattaché à Pointe-Noire, devenant ainsi le quatrième arrondissement de la capitale économique du Congo. Quant au Pool, il a été amputé du district de Ngamaba (60 000 habitants en 1984) qui est devenu Mfilou, le septième arrondissement de Brazzaville.

L’occupation de l’espace est linéaire. L’habitat est localisé le long des principaux axes de communication (cours d’eau navigables, routes importantes et voies ferrées). C’est là le résultat de la politique de regroupement des villages amorcée sous la colonisation. Ce phénomène fait apparaître de nombreuses et vastes zones inhabitées : forêts marécageuses de la Cuvette, grande forêt du Nord, le massif du Chaillu, forêt du Mayombe, plateaux Téké.

Les deux tiers de la population sont regroupés dans les régions centrales et méridionales, le long d’une bande de terre de 60 km environ de large située de part et d’autre des 500 km du Chemin de fer Congo-Océan (CFCO) qui relie entre elles les quatre principales villes du pays (Brazzaville, Nkayi, Dolisie et Pointe Noire). Cette bande polarise l’essentiel des activités économiques du Congo en dehors du transport fluvial, de la pêche continentale et de l’exploitation forestière. Les régions septentrionales (Cuvette, Cuvette occidentale, Likouala, Plateaux et Sangha) qui représentent 70 % de la superficie du Congo ne comptent que 18 % de la population du pays (cf. tableau 3)

Tableau 3.

Répartition de la population des départements selon les recensements de 1974 et 1984.

Estimation pour 2001

 

Superficie

(en km2)

1960 a/

1974

1984

2001

Population

Densité

Population

Densité

Population

Densité

Population

Densité

Bouenza

12 260

111 908

9,13

132 515

10,81

149 519

12,20

183 132

14,94

Cuvette occidentale

26 600

34 345

1,29

37 827

1,42

42 681

1,60

51 656

1,94

Cuvette

48 250

74 484

1,54

82 036

1,70

92563

1,92

112 028

2,32

Lékoumou

20 950

51 120

2,44

60 534

2,89

68 301

3,26

90 900

4,34

Likouala

66 044

36 669

0,56

43 421

0,66

48 993

0,74

60 007

0,91

Kouilou

13 660

55 547

4,07

65 776

4,82

74 216

5,43

90 900

6,65

Niari

25 930

92 401

3,56

109 416

4,22

123 456

4,76

151 210

5,83

Plateaux

38 400

81 434

2,12

96 429

2,51

108 802

2,83

133 262

3,47

Pool

33 990

134 760

3,96

159 575

4,69

180 051

5,30

220 528

6,49

Sangha

55 800

34704

0,62

41 094

0,74

46 367

0,83

56 791

1,02

Total

341 884

707 372

2,07

828 623

2,42

934 949

2,73

1 150 414

3,36

a/ Pour la Bouenza, la Cuvette occidentale, la Cuvette et le Pool, la configuration actuelle de ces départements est postérieure à 1960. La reconstitution de la population a été faite à partir des tendances d’évolution antérieures et postérieures de la population des districts qui les composent.

Source : Ministère du Plan, Recensement général de la population et de l’habitat, 1974 et 1984; PNUD, Rapport national sur le développement humain 2002, Guerres et après ? Développement humain en situation de conflit, Brazzaville, janvier 2002 ; United Nations, World Population Prospects : The 1996 Revision, New York, 1997 ; World Population Prospects : The 2002 Revision, Highlights, New York, 2003.

 

3. L’extrême jeunesse de la population

L'extrême jeunesse de la population est une des caractéristiques démographiques fondamentales du Congo (figure 1). En effet, les taux de fécondité dynamiques (6,3 EPF depuis le début de la décennie 70) couplés à la baisse de la mortalité infantile et à l’amélioration de l’accès aux soins de santé primaires ont favorisé la croissance démographique et l'émergence d'une population très jeune. En 2005, le groupe des 0-14 ans représente 47 %. L’extrême jeunesse de la population, la scolarisation obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans et l’allongement de la durée des études sont à la base des taux de dépendance économique élevés (cf. tableau 4). Cette situation devrait commencer à décliner à partir de 2010 pour atteindre 41 % en 2030 et 30,8 % en 2050 comme le montre le tableau 1 et la pyramide des âges.

Selon l’indice de jeunesse et l’indice de vieillesse qui découlent des recensements de 1974 et 1984, le Congo avait, au cours de cette période, une population jeune concentrée essentiellement dans les principales villes, tandis que le vieillissement marquait fortement les régions les plus peuplées (la Bouenza, la Cuvette Pool, le Niari et le Pool), notamment à cause de deux phénomènes : les flux migratoires intenses vers les centres urbains d’une part (Bouenza, Cuvette et Niari), et d’autre part, l’extension des centres urbains vers la campagne (Brazzaville et Pointe-Noire).

En 1984, le rapport de dépendance est de 1,01. Dans ce rapport, le poids des jeunes représente environ de 90 %. La situation s’est aggravée au cours de la période 1985-2005. En effet, en 2005, les jeunes de 20 ans représenteraient à eux seuls environ 57 % de la population totale (55,7 % en 1984). Dans une économie comme celle du Congo qui se caractérise par une faible productivité un tel niveau de dépendance pose le problème de la prise en charge des inactifs économiques du fait de leur âge par les actifs. La crise économique, les programmes d’ajustement structurel et la restructuration de l’économie qu’ils imposent, la montée concomitante du chômage, les guerres civiles et l’insécurité qui ont chassé des campagnes une grande partie des populations rurales sont des facteurs qui ont également largement participé l’aggravation de la situation.

Tableau 4.

Rapport de dépendance selon le RGPH 84

Communes/Régions

Rapport de

dépendance

Part du rapport de dépendance due à la jeunesse

(en %)

Brazzaville

0,84

95,2

Pointe-Noire

1,21

71,9

Dolisie

1,00

94,0

Nkayi

1,08

97,2

Mossendjo

0,99

86,9

Ouesso

0,96

85,4

Kouilou

1,08

86,1

Niari

1,16

84,5

Bouenza

1,24

87,1

Lékoumou

1,03

80,6

Pool

1,20

80,3

Plateaux

1,17

86,3

Cuvette

1,22

81,1

Sangha

0,88

80,7

Likouala

1,09

87,2

Ensemble

1,01

89,1

Source : République du Congo, RGPH 1984, CNSEE, Brazzaville, p. 43

Il en découle que l'essentiel es besoins vitaux de la population est couvert par une minorité d’actifs dans un contexte d’inexistence de système productif structurant. Ces actifs supportent seule la couverture des besoins élémentaires de la population ; ils assistent impuissants à la diminution de leur propre bien-être du fait de nombreux transferts vers les inactifs. Cette distorsion démographique explique en partie les difficultés rencontrées par les organismes de sécurité sociale (Caisse nationale de Sécurité sociale et Caisse des retraites des fonctionnaires), dont le système de retraite est bâti sur le modèle français (système de répartition), à faire face aux paiements réguliers des pensions de retraités du secteur privé et de la Fonction publique. Ceux-ci accumulent des mois, voire plusieurs années pour certains, de retard de paiement de leurs pensions. Ce déséquilibre démographique explique également la non-couverture des besoins des anciens actifs ruraux. Leur nombre augmente alors que la prise en charge par la société n’existe pas.

Comme il a été constaté dans de nombreuse études (BIT, 1984; Bakabadio 2005), le profil démographique du Congo avec une pyramide des âges très évasée à la base fait peser un poids important aux groupes actifs pour leur propre reproduction, et pour la reproduction des groupes inactifs.

4. Une population majoritairement urbaine

L'urbanisation est une caractéristiques remarquable de l’évolution démographique du Congo. En effet, au cours des années 1970 et de la première moitié des années 1980, le Congo, riche des revenus tirés de l’exploitation pétrolière, met en œuvre une stratégie de développement basée sur le contrôle par l'Etat de l'essentiel des activités économiques et sociales. La mise en place des structures du Parti Congolais du Travail parallèlement à celles de l'administration et l’étatisation de l’économie provoquent la concentration des investissements, des activités économiques et donc de l'emploi salarié dans les centres urbains. Cette polarisation va fonctionner comme un appel d'air.

Des vagues entières de jeunes, que la démocratisation et la massification de l’éducation ont envoyés à l'école, quittent les zones rurales pour la ville pour y poursuivre leurs études ou dans l'espoir de s’y faire une situation et de toucher leur part de la rente pétrolière. Les zones rurales se vident ainsi de leurs éléments les plus actifs ; elles se désertifient.

L'urbanisation de la population congolaise s'opère à un rythme de croissance moyen de 5 % par an au cours de la période 1950-1984 et 6,5 % à partir de 1985. Simultanément, la croissance de la population rurale passe de 1,6 % en 1950-1984 à 1 % à partir de 1985, signe d’un exode rural très marqué. Les centres urbains qui étaient peuplés de ruraux à l'origine ont ainsi continué à croître grâce à un important flux migratoire au détriment des zones rurales. l'apport. Par la suite les villes ont vu leur population augmenter par accroissement naturel. Cependant, à partir du début des années 1990, les guerres civiles et l'insécurité dans les campagnes ont fait affluer dans les principales villes les populations rurales. La migration touche essentiellement la tranche d’âge la plus active de la population rurale. En 2000, on estime que 80 % des hommes de 25 à 39 ans sont installés à Brazzaville et Pointe Noire.

5. Migration forcée des populations

L’Afrique centrale fait partie de la « la grande ceinture de crise », « […] ensemble des États allant de l’Angola au Soudan et à la Somalie. Partout dans cette région, la guerre et le recours systématique à la violence se sont imposées au point de rendre l’Etat inexistant […] », ce qui provoque de vastes migrations en chassés croisés de population. Au Congo en fin 1999, le nombre de déplacées du fait de la guerre civile est estimé à 800 000 personnes environ à l’intérieur du pays et à 100 000 à l’extérieur. Par ailleurs le Congo accueille sur son territoire des réfugiés Angolais, Centrafricains, Congolais de la RDC, Tchadiens et Rwandais. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés évalue leur nombre à 123 190 en juin 2002 (cf. le tableau 5). On estime par ailleurs que des milliers d’autres réfugiés ayant trouvé refuge chez des connaissances ou préférant vivre clandestinement ne se sont pas faits recenser. Le chiffre avancé par les organisations internationales, notamment le HCR, est donc très largement inférieur à la réalité. Ces réfugiés sont essentiellement installés dans la Likouala (centrafricains, congolais de la RDC et rwandais) et dans le Kouilou (angolais essentiellement). La Likouala a vu sa population passer de 48 993 en 1984 à 154 000 habitants environ en 2002. Les projections faites à partir du taux de croissance démographique de la période 1972-1984 (1,22 % par an) situent la population de la Likoula à 60 000 habitants environ en 2002. L’écart (94 000 personnes), constitue donc la population réfugiée. En 2002, la population autochtone ne constitue plus que 40 % des habitants du département.

L’afflux des populations réfugiées bouleverse la démographie de certains départements, notamment la Likouala, entraînant des tensions politiques et de graves problèmes de sécurité.

Tableau 5. Les réfugiés recensés au Congo et leur localisation

Localisation

Camps

Arrière-pays rural

Centres

Total

Likouala

101 182

Bétou

6 445

22 773

-

29 418

Impfondo

5 245

51 405

-

56 650

Kintélé

2 276

1 700

-

3 976

Komi

1 073

-

-

1 073

Kondi Mba

2 229

-

-

2 229

Loukoléla

1 790

510

-

2 300

Mavoadi

130

-

-

130

Ndjoundou/Liranga

4 406

1 000

-

5 406

Kouilou

-

14 261

-

14 261

Brazzaville

-

-

1 278

1 278

Pointe Noire

-

-

245

245

Total

23 594

91 649

1 523

116 766

Source : UNCHR, 2001 UNHCR Population Statistics, Geneva, 10 June 2002.

En effet, le Congo et ses voisins s’accusent mutuellement d’accueillir des populations qui mènent des « activités subversives » contre leur pays d’origine à partir du pays d’accueil. Comme le montre Anne-Sophie Millet dans le cas de l’Afrique australe, « la présence continue des populations réfugiées crée ainsi des antagonismes et engendre une lassitude chez les nationaux […]. L’impact de cette présence sur l’environnement est une grande source de préoccupation. […]. La densité extrêmement élevée de la population dans les camps constitue un risque de catastrophe écologique, car une des caractéristiques de la présence des réfugiés est sa durée. La pénurie de charbon et le déboisement qui s’ensuit autour des camps a atteint un seuil critique : les réfugiés ont rapidement épuisé les ressources de bois mort autour des camps et sont ensuite obligés de couper des arbres vivants, provoquant ainsi par endroits de véritables catastrophes écologiques ... » (Millet-Devalle, A.-S., 1995). Le Congo se trouve aujourd’hui dans cette situation. Par exemple à Kintélé (nord de Brazzaville) les réfugiés rwandais exploitent la forêt du PK 45, à 45 kilomètres au nord de Brazzaville sur la Nationale 2 pour produire du bois de chauffe et du charbon qu’ils écoulent sur les marchés de la capitale congolaise. La forêt du PK 45 a été plantée dans les années soixante. Elle a été longtemps préservée, les pouvoirs publics ayant fait comprendre aux populations, dès le départ, l’importance climatique de ce massif pour Brazzaville et ses environs. Les rwandais qui sont arrivés dans la région en 1995 et 1996 se sont arrogés le droit d’exploiter ce massif forestier, en compensation, pense-t-on, de leur participation aux guerres civiles congolaises, comme supplétifs des forces gouvernementales.

Par ailleurs, les guerres civiles ont accéléré la déruralisation et la dépaysanisation de la population congolaise. Par la suite, la déruralisation et la dépaysanisation forcées sont venues nourrir la croissance de la population urbaine qui avait pourtant amorcé une décélération au début de la deuxième moitié des années 80, en raison de la crise économique. Mais à partir de 1993 la croissance de la population urbaine marquait un nouveau départ à la hausse, d’abord dans les centres urbains secondaires et à Brazzaville à la suite de la première guerre civile (1993-1994), puis à Pointe Noire quand les populations fuyant l’insécurité et les combats au sud de Brazzaville affluent vers la capitale économique providentiellement épargnée par les combats. En 2005, environ 70 % de la population du Congo s’agglutine dans des agglomérations urbaines surpeuplées. On estime que 85 % des hommes de 25 à 39 ans sont installés à Brazzaville et Pointe Noire.

5. Conséquences de la dynamique démographique

L'exode rural et le développement démesuré des centres urbains à des conséquences à la fois démographique, économiques et sociologiques.

Au niveau démographique les conséquences les plus visibles sont les taux de dépendance très élevé de la population et la désertification des campagnes qui ne sont plus habitées que par des populations très âgées. Désertés par leurs éléments les plus actifs, les villages ne sont plus en mesure de produire suffisamment pour répondre aux besoins alimentaires des villes. Faute de bras valides, le système productif agricole se transforme. Les exploitations agricoles, évitant de trop s'éloigner des villages, sont obligées de raccourcir les jachères, ce qui pèse sur le cycle de reconstitution des sols, provoque la baisse des rendements et compromet le développement durable. La société rurale se déstructure et se " dépaysannise ". 

L’exode rural voulu ou subi a provoqué la disparition de nombreux terroirs, la désertification et le dépérissement des campagnes. Entre le recensement de 1972 agricole de 1972-73 et le recensement général de la population et de l’habitat de 1984, le nombre de villages est ainsi passé de 6 092 (Recensement agricole, 1974) à 4 551 (CNSEE, 1985). En douze ans, 25,3 % des localités rurales ont disparu, soit 154 par an ou un village tous les deux jours. Les projections estimaient à 1 200 le nombre de villages qui devaient connaître le même sort entre 1985 et 2000. Cependant, les troubles politiques, particulièrement celles de 1997, de 1998-99 et 2001-2003, en provoquant des déplacements massifs des populations de la Bouenza, de la Lékoumou, du Niari et du Pool ont amplifié le mouvement. La moitié au moins des localités de ces régions a été détruite. Il ne resterait plus que 1 200 villages au Congo en 2005. 

6. Perspectives d’évolution

Les perspectives sont établies sur la base d’hypothèses, à partir des opérations de dénombrements passées (par exemple le RGPH). Les perspectives générales s’intéressent à l’évolution de l’ensemble de la population, alors que les perspectives dérivées s’intéressent à une fraction de celle-ci (par exemple : la population rurale, la population scolaire, le troisième âge, etc.).

6.1. Perspectives générales

Le principe de l'élaboration des perspectives est simple. En considérant les enfants de la tranche d’âge de 0 à 4 ans à un moment donné, on peut estimer leur nombre cinq ans plus tard en connaissant le taux de mortalité de ce groupe d'âge et la vitesse d’évolution. On retiendra alors un taux de mortalité probable pour les cinq années à venir, permettant de calculer le nombre d'enfants de ce groupe restant théoriquement à l'issue de la période considérée. On procède de la même manière pour les groupes d'âge suivants. Il faut aussi prendre en compte les naissances intervenant dans les cinq années à venir en faisant une hypothèse sur le niveau probable de la fécondité. Afin de minimiser les risques d'erreur, plusieurs hypothèses sont retenues (cf. tableau 5 et graphique 1) : hypothèse faible et une hypothèse forte et une hypothèse moyenne, cette dernière étant considérée comme la plus probable et une hypothèse avec taux de fécondité stable (non variant). On considère ensuite les mouvements migratoires.

L’évolution de la population dépendra du changement des déterminants de la dynamique démographique : la fécondité, la mortalité et les mouvements migratoires. En ce qui concerne la mortalité, la maîtrise ou non de la propagation de l’épidémie du VIH/SIDA est devenue une variable clé de cette évolution.

6.2. L’infection à VIH/SIDA et ses conséquences sur les perspectives démographiques du Congo

Selon l’ONUSIDA/WHO, au 31 décembre 2003, le taux de prévalence au VIH/Sida au Congo se situait entre 2,1% (hypothèse basse) et 11 % (hypothèse haute) correspondant à une population de 39 000 à 200 000 personnes. La moyenne est de 4,9 % soit 90 000 personnes comme le montre le tableau 6. La surveillance épidémiologique se fait au sein du Réseau Sentinelle.

 Tableau 6.

L’infection à VIH/SIDA au Congo en 2003

 

Estimation

Basse

Elevée

Moyenne

Taux de prévalence

2,1 %

11,0 %

4,9 %

Personnes vivant avec le VIH/Sida

Adultes et enfants

39 000

200 000

90 000

Adultes de (15 à 49 ans)

34 000

80 000

180 000

dont :

 

 

 

Femmes

19 000

100 000

45 000

Enfants

4 200

45 000

26 000

Décès dus au sida

4 900

20 000

9 700

Orphelins du sida

65 000

140 000

97 000

Source : UNAIDS/WHO: Congo Epidemiological Fact Sheet - 2004 Update, p. 2.

Le niveau de la pandémie à Brazzaville et Pointe Noire urbain est relativement bien connue. En 1987, une enquête épidémiologique dans le milieu des prostitués avait donné un taux de prévalence au VIH/Sida de 34,3 % à Brazzaville et 64,1% à Pointe Noire. À partir 1989, un système de surveillance épidémiologique avait été mis en place à Brazzaville. Il concerne le dépistage de l’infection à VIH/Sida chez la femme enceinte suivie dans un centre de santé maternelle et infantile (SMI). La surveillance a été interrompue en 1996 à la suite des troubles politiques et de la guerre civile. Elle a été reprise en 2000. Depuis 2002, trois centres à Brazzaville et deux à Pointe Noire sont opérationnels. Sur la période 1996-2002, le taux de prévalence moyen au VIH/Sida s’établit de la manière suivante (cf. tableau 7):

Pour les centres urbains secondaires, les dernières estimations disponibles datent de 1990-1993. Elles concernent également les dépistages réalisés chez les femmes suivies dans les centres de SMI à Gamboma, Impfondo, Kinkala, Loubomo, Makabana, Mbinda, Mossendjo, Nkayi, Ouesso, Owando et Sibiti.

Tableau 7.

Taux de prévalence du VIH/SIDA de 1987 à 2002

 

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1996

1997

2000

2002

Centres urbains principaux

Basse

5,4

3,06

4,0

4,90

5,5

1,1

5,8

6,0

5,19

5,81

5,36

1,36

Moyenne

5,4

3,06

4,0

6,8

8,31

5,65

7,85

7,50

5,19

5,81

5,36

4,0

Elevée

5,4

3,06

4,0

11,2

12,80

11,00

9,40

8,00

5,19

5,81

14,58

6,29

Centres urbains secondaires et zones rurales

Basse

-

7,00           

2,50

2,60

2,00

-

Moyenne

-

7,00

9,96

6,60

4,00

-

Elevée

-

7,00

11,25

12,10

13,60

-

dont :

Gamboma

-

-

-

-

3,40

-

Impfondo

-

-

-

5,20

-

-

Kinkala

-

-

-

-

2,00

-

Loubomo

-

7,00

10,33

-

-

-

Makabana

-

-

9,60

12,10

-

-

Mbinda

-

-

-

-

10,19

-

Mossendjo

-

 

11,25

-

-

-

Mouyondji

-

-

-

6,60

-

-

Nkayi

-

-

-

9,00

-

-

Ouesso

-

-

-

5,20

-

-

Owando

-

-

2,50

2,60

4,00

-

Sibiti

-

-

-

8,60

13,6

-

Source : UNAIDS/WHO, Congo Epidemiological Fact Sheet - 2004 Update, p. 14.

 

Pour le Congo, il semble que les hypothèses retenues par les Nations Unies n’intègrent pas les conséquences de la crise économique, des programmes d’ajustement structurel et des guerres civiles. Par contre, elles prennent en compte l’impact du VIH/SIDA. Quatre hypothèses d’évolution sont ainsi retenues : moyenne, haute, basse et constante (cf. tableau 8 et figure 1).

Tableau 8.

Evolution de la population congolaise selon différentes hypothèses de fécondité

(en 1000 habitants)

Année

Hypothèse de fécondité

Moyenne

Haute

Basse

Constante

1950

808

808

808

808

1955

895

895

895

895

1960

1 004

1 004

1 004

1 004

1965

1 144

1 144

1 144

1 144

1970

1 323

1 323

1 323

1 323

1975

1 544

1 544

1 544

1 544

1980

1 804

1 804

1 804

1 804

1985

2 116

2 116

2 116

2 116

1990

2 494

2 494

2 494

2 494

1995

2 936

2 936

2 936

2 936

2000

3 447

3 447

3 447

3 447

2005

3 921

3 950

3 891

3 921

2010

4 532

4 618

4 446

4 559

2015

5 215

5 381

5 049

5 343

2020

5 960

6 225

5 696

6 300

2025

6 750

7 148

6 357

7 471

2030

7 558

8 136

6 994

8 901

2035

8 364

9 176

7 587

10 648

2040

9 159

10 252

8 130

12 783

2045

9 924

11 345

8 611

15 390

2050

10 643

12 439

9 016

18 570

Sources : United Nations, World Population Prospects : The 1996 Revision, New York, 1997 ; World Population Prospects : The 2002 Revision, Highlights, New York, 2003.

Le développement des infrastructures sociales, l’éducation de masse et les progrès de la médecine sont parmi les facteurs qui ont contribué à la baisse de la mortalité, notamment de la mortalité infantile, au cours de la période 1950-1970. Les PAS mis en place avec l’appui de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à la suite de la crise économique, en ciblant d’abord les dépenses sociales, ont contribué au démantèlement de ces infrastructures. Par la suite, les guerres civiles, en provoquant le déplacement de centaines de milliers de personnes et en causant des dommages considérables à l’économie ont fini par détériorer de manière irrémédiable l’accès aux servies sociaux de base, notamment la santé et l’éducation.

 Figure 1.

Evolution de la population congolaise en fonction de différentes hypothèses de fécondité

(en 1000)

Source : Tableau 8

S’agissant du VIH/SIDA, les prévisions restent incertaines. Par exemple en ce qui concerne l’Afrique subsaharienne, des décalages importants existent entre les hypothèses formulées par huit experts indépendants accrédités l’Organisation mondiale de la santé sur le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda, la Tanzanie et le Zaïre. Les avis diffèrent et s'opposent. Il est difficile de caractériser l’impact spécifique du Sida sur le continent car celui-ci se recombine avec d'autres phénomènes tels que la crise économique qui entraîne la crise de la santé, la crise du logement, etc. Les conclusions des différentes études sont liées aux hypothèses et aux échantillons qui les fondent. Mais les projections reposent sur de faibles échantillons, dont la représentativité à l'échelle d'une population et d'un pays n’est pas facile à vérifier. Parce qu’il paupérise et déstabilise les bien-portants, il n’y a plus de doute, le sida est un facteur de régression économique. Par des effets différenciés sur les conditions de vie des hommes et des femmes, il renforce les inégalités entre les sexes aux dépens des femmes, devenues principales victimes de la pandémie. Il se nourrit du sous-développement et grève le développement.

Toutefois, plusieurs études des institutions internationales, (OMS, FAO, Banque mondiale, FIDA, OCDE) montrent que les effets du VIH/SIDA sur l’espérance de vie se traduisent par un recul massif dans les pays les plus touchés. Entre 1960 et 1984, l’Afrique avait gagné une dizaine d’années environ d’espérance de dive. A partir de 1982-84 le sida provoque une soudaine inversion de tendance en Afrique centrale et orientale, puis, à partir de 1995, en Afrique australe, ramenant l’espérance de vie à un ordre de grandeur comparable à celui du début de la décennie soixante. Les experts sont d’accord pour reconnaître que le sida, remodèle la pyramide des âges de façon spectaculaire et inédite. Il produit la plus brutale révolution démographique qui soit. La déstabilisation démographique bouleverse les équilibres socio-économiques. Pour le Congo, selon les Nations Unies, de 1995 à 2050, les principaux indicateurs démographiques devraient évoluer de la manière suivante (cf. tableau 9).

  • la fécondité, très soutenue depuis 1970 avec un taux de 6,29 EPF (enfants par femme), amorcera une décroissance après de 2005. Elle atteindra son niveau le plus bas (2,39 EPF) en 2045-2050(cf. figure 2) ;

  • la mortalité infantile reculera de 84,10 décès à 22,4 décès par an pour mille naissances vivantes ;

  • la croissance démographique, après avoir atteint son maximum en 1985-1990 avec 3,29 % par an, amorce un premier repli rapide jusqu’en 2000-05, période au cours de laquelle elle atteint 2,57 % par an. Elle monte légèrement en 2005-2010 avant reprendre le mouvement de repli. Elle atteint le niveau de 1950-1955 en 2030-1935 avec 2,03% avant de se stabiliser à 1,40 % en 2045-2050 (cf. graphique 3) ;

  • l’espérance de vie à la naissance passerait de 49,2 ans à 72,7 ans sans le VIH/SIDA ou 64,1 ans en tenant compte du VIH/SIDA.

  • quant à la population, sans le VIH/SIDA, elle passe de 1,91 million d’habitants en 1984 à 3,56 millions en 2000. Elle monte à 5,75 millions en 2015 et 13 millions en 2050. Avec la pandémie, elle passe à 3,45 millions en 2000. Par la suite sa progression se poursuit à un rythme plus lent : 5,22 millions en 2015 et 10,64 millions en 2050.

  • l'impact du Sida dépendra principalement de trois facteurs :

  • l'évolution des comportements sexuels. L'utilisation du préservatif, l'abstinence et le couple stable sont à l'heure actuelle les seuls remèdes ;

  • la découverte sur une période plus ou moins longue de vaccins contre le Sida, mais aussi son rythme de diffusion plus ou moins lent ;

  • la gestion médicale, psychologique, sociale et économique des personnes déjà atteintes par le virus.

 Tableau 9.

Estimation et projection des indicateurs démographiques du Congo avec ou sans le VIH/SIDA

Espérance de vie à la naissance (en an)

2000-2005

2010-2015

2045-2050

Avec

Sans

Avec

Sans

Avec

Sans

48,5

58,1

51,6

62,1

64,1

72,7

Impact sur l’espérance de vie à la naissance

2000-2005

2010-2015

2045-2050

Ans

%

Ans

%

Ans

%

10

17

11

17

9

12

Nombre de décès avec ou sans le VIH/SIDA

(en 1000)

1980-2000

2000-2015

2015-2050

Avec

Sans

Avec

Sans

Avec

Sans

655

563

890

632

2 492

1 707

Excès de décès du au VIH/SIDA

(en 1000)

1980-2000

2000-2015

2015-2050

Nombre

%

Nombre

 %

Nombre

 %

92

16

258

41

785

46

Estimation de la population avec ou sans le VIH/SIDA

(1000 habitants)

en 2000

en 2015

en 2050

Avec

Sans

Avec

Sans

Avec

Sans

3 447

3 561

5 215

5 751

10 643

12 997

Source : United Nations, World Population Prospects : The 2002 Revision, Highlights, Rapport ESA/P/WP.180, Geneva, 26 February 2003, pp. 79, 81, 83, 85 & 87.

 

 

Figure 2.

Taux de fécondité : 1955-2050

(enfants par femme)

 

Figure 3.

Taux de croissance démographique : 1955-2050

(en pourcentage)

 

Source : Les figures 2 et 3 sont construits à partir du tableau 6

  

Si la progression du VIH/SIDA n’est pas maîtrisée, son impact démographique se traduira au Congo par un déficit de 110 000 habitants en 2000 (soit 3,1% de la population totale sans le VIH/SIDA), 530 000 habitants en 2015 (9,2 % de la population) et 2,36 millions d’habitants en 2050 (18,5 % de la population). C’est une perspective qui va être lourde de conséquence sur le triple plan politique, économique et sociale.

6.3. Perspectives dérivées

La baisse simultanée de la fécondité et de la mortalité se traduira par un vieillissement de la population (cf. figure 4). Le groupe appartenant aux 0-14 ans dont le poids n’a cessé d’augmenter depuis les années 50 atteindra son apogée en 2005 avec 47,3 % de la population totale. Il va ensuite marquer un reflux qui le conduira à 30,8 % en 2050.

Cette évolution suggère que le Congo a déjà entamer sa transition démographique, « phénomène qui le ferait passer d’un régime démographique où la natalité et la mortalité sont élevées, à un régime caractérisé par de faibles taux de natalité et de mortalité semblable à celui que connaît déjà les pays développés. Toutefois, comme  la mortalité  diminue  plus  vite que la natalité, la population augmente plus rapidement durant la phase initiale de la transition. Ensuite dans la phase suivante, la natalité diminue et le rythme d’accroissement de la population se ralentit » (OCDE, 1999).

Le passage progressif du groupe des jeunes de moins de 15 ans  dans celui des jeunes adultes aura pour conséquence automatique la montée de l’importance relative des 15-24 ans. Mais, deux périodes doivent être distinguées. A partir de 2005 et jusqu’à 2030, le pourcentage relatif du groupe des 15-24 ans dans la population totale va augmenter. Ce poids culminera à 21,7 % en 2030. Il amorcera ensuite un lent repli pour le conduira à 20 % de la population totale en 2050. Cette évolution démographique caractérisée par la croissance de la population juvénile se traduit par le recul des 25-59 ans. Ce groupe verra son poids relatif passer de 35,6 % de la population totale en 1950 à 28,2 % en 2010. Le renversement de tendance interviendra en 2010-15. Le groupe constituera ainsi 42,9% de la population totale en 2050.

Tableau 10.

Structure de la population par groupe d’âge : 1950-2050

(en pourcentage)

Groupe d'âge

1950

1975

2000

2005

2030

2050

0-14

40,1

45,0

46,4

47,3

41,0

30,8

15-24

18,7

18,0

19,7

19,9

21,7

20,0

24-39

20,1

18,0

17,8

17,5

21,3

25,0

40-59

15,5

13,6

11,5

10,8

11,8

17,9

+60

5,6

5,4

4,6

4,5

4,2

6,3

Total

100

100

100

100

100

100

Source : Population Division of the Department of Economic and Social Affairs of the United Nations Secretariat, World Population Prospects: The 2002 Revision and World Urbanization Prospects : The 2001 Revision, http://esa.un.org/unpp, june, 25, 2003.

 

Quant au groupe de 60 ans et plus, il va évoluer selon la même tendance que les 25-59 ans. De 5,6 % de la population totale en 1950, son poids va tomber à 4 % au cours des années 2020. Il remontera ensuite pour atteindre 6,3 % de la population vers 2050.

La physionomie de la pyramide des âges va donc connaître une importance évolution dans les cinquante années à venir (cf. figure 4). De convexe avec une base très large et un sommet rétréci, elle tendra à devenir convexe relativement rétréci à la base sans décrochage entre les générations.

Figure  4.

Evolution de la pyramide des âges

(Population en 1000)

  Source : Tableaux 9 et 10

En ce qui concerne la répartition de spatiale de la population, les tendances passées se maintiendront. Le développement urbain macrocéphale va s’affirmer. La croissance urbaine se poursuivra, mais à un rythme moins élevé qu’au cours des trois dernières décennies. La part de la population urbaine qui a doublé de 1970 à 2000 passant de 32,8% à 65,4% de la population totale se situera autour de 78 % en 2030 (cf. tableau 11). Mais cette croissance sera essentiellement alimentée par la croissance naturelle de la population urbaine.

Tableau 11.

Population totale, population urbaine et population rurale

 

Population

en 1000 habitant

en %

 TotaleUrbaineRuraleUrbaineRurale

1950

808

250

558

30,9

69,1

1955

895

281

614

31,4

68,6

1960

1 004

320

684

31,9

68,1

1965

1 144

370

774

32,3

67,7

1970

1 323

435

889

32,8

67,2

1975

1 544

541

1 003

35,0

65,0

1980

1 804

757

1 046

42,0

58,0

1985

2 116

1 043

1 073

49,3

50,7

1990

2 494

1 390

1 104

55,7

44,3

1995

2 936

1 795

1 141

61,1

38,9

2000

3 447

2 254

1 193

65,4

34,6

2005

3 921

2 686

1 235

68,5

31,5

2010

4 532

3 200

1 332

70,6

29,4

2015

5 215

3 784

1 431

72,6

27,4

2020

5 960

4 433

1 527

74,4

25,6

2025

6 750

5 136

1 614

76,1

23,9

2030

7 558

5 870

1 688

77,7

22,3

Source : Population Division of the Department of Economic and Social Affairs of the United Nations Secretariat, World Population Prospects: The 2002 Revision and World Urbanization Prospects: The 2001 Revision, http://esa.un.org/unpp, 25 June 2003

Alors que la croissance urbaine actuelle est la résultante de l'effet cumulé de la croissance démographique naturelle et de l'exode rural, l’accroissement naturel va devenir le principal moteur de cette croissance, en dépit de la baisse de la fécondité. L’effet d’inertie des situations des phénomènes démographiques assurera le maintien des situations existantes.

Dans ce contexte, en 2030, sur une population totale de 7,6 millions d’habitants (hypothèse fécondité moyenne, la population urbaine devrait atteindre de 5,9 millions d’habitants. Quant à la population non urbaine, elle sera de 1,7 millions d’habitants. (cf. tableau 11 et figure 5).

Figure 5.

Évolution de la population 1950-2030

(en 1000 habitants)

Source : Tableau 11

Deux villes (Brazzaville et Pointe Noire) continueront d’accueillir l’essentiel des néo-urbains, avec tous les problèmes que cela posera dans les domaines des infrastructures et services de base : logement, santé, accès à l'eau potable, scolarisation, transport, alimentation, sécurité, etc. Dès lors il faut s'enquérir des principales motivations de cette attraction urbaine, pour essayer de réorienter la gestion actuelle de l'espace et de l'aménagement du territoire qui demeure un échec.

6.4. Coûts économiques et sociaux de l’évolution démographique du Congo à l’horizon 2030

En raison de l’incertitude liée à des perspectives à long terme l’estimation des conséquences économiques et sociales est réalisée à l’horizon 2030. Comme le montre l’analyse précédente, à cet horizon, les principaux glissements démographiques auront eu lieu.

Les « conséquences du vieillissement » est un concept qui est entendu au sens large. Il englobe d’abord les dépenses sociales liées au glissement démographique. Ces dépenses concerneront essentiellement les services adaptés à une population composée majoritairement des personnes du deuxième et du troisième âge : évolution de l’offre quantitative et qualitative des soins de santé, retraites, mais également d’autres dépenses à caractères social inhérentes et à la répartition spatiale de la population, comme les allocations familiales, les activités économiques, les infrastructures, etc.

Le coût budgétaire du vieillissement de la population représente l’augmentation des dépenses sociales entre deux dates et est exprimé en pourcentage du PIB.

Les résultats dépendent des hypothèses retenues. Plusieurs scénarios basés sur différentes hypothèses sont présentés. Un certain nombre d’hypothèses centrales en matières d’emploi et de croissance de la productivité sont retenues.

a. Evolution des gains de productivité

Une première hypothèse centrale concerne l’évolution des gains de productivité par emploi. Le Congo est encore très loin des normes internationales minimales dans ce domaine. Des gains de productivité sont donc possibles. Il n'est pas déraisonnable de retenir un taux de croissance par emploi de l'ordre de 2 % par an. Ce taux peut être considéré comme relativement prudent, par comparaison avec les tendances passées (1960-2000) d’environ 2%.

b. Taux de chômage à long terme

Le taux de chômage actuel se situe entre 20 % et 25 % de la population active. À long terme celui-ci devrait décroître pour stabiliser à 15% sur la base des tendances de l’économie congolaise (calculé par le BIT) observées depuis 2000.

 c. Taux d’activité

L’évolution des taux d’activités et le calcul des probabilités de passage d’un statut socio-économique à l’autre se fondent sur les comportements actuels et sur un contexte institutionnel qui va certainement changer. La question fondamentale concerne l’âge de départ à la retraite. Aujourd’hui le principe est que l’âge de départ à la retraite dans la Fonction publique est de 55 ans pour les fonctionnaires de la Catégorie A. Pour les fonctionnaires des catégories inférieures, cet âge avait été ramené à 50 ans au début de la crise économique pour « déflater » les effectifs de la Fonction publique et faire des économies sur la masse salariale, conformément au programme d’ajustement structurel. Par ailleurs, cette mesure permettait de ne pas geler totalement le recrutement des jeunes diplômés. Mais l’évolution de la situation économique et financière laisse augurer un autre scénario.

En effet, au Congo comme dans les autres pays francophones au sud du Sahara, le système des retraites est identique au système français. C'est un système de retraite par répartition. Dans ce système, « ce sont les cotisations prélevées sur les salaires des actifs qui servent à payer les pensions des retraités d’aujourd’hui. C’est un système qui repose sur la solidarité entre les générations : chaque génération paye les retraites des générations précédentes. L’allongement de l’espérance de vie après 50 ans, l'évolution modéré du taux de l'emploi salarié vont générer une augmentation du taux de dépendance (déjà très élevé)  et compromettre définitivement l'équilibre économique et financier de l'ensemble des systèmes sociaux qui sont dans une situation catastrophique.


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