Sidonie MATOKOT-MIANZENZA

Psychologue, Cesbc

Responsable Programme Education, Recherche, Genre

 

Violence conjugale

La médiatisation de la mort de Marie Trintignant en 2003 en France a projeté au grand jour le phénomène de la violence physique contre les femmes. Cette même année Amnesty International rapportait le cas d’Alicia Aristregui, une espagnole, assassinée par son mari après 14 années de calvaire. À côté de ces cas connus et médiatisés, combien de victimes anonymes ?

Selon un rapport du Conseil de l’Europe, sur le vieux continent « la violence conjugale serait la principale cause de décès et d’invalidité des femmes de 16 à 44 ans, avant le cancer, les accidents de la route et la guerre ». En France selon le milieu médical, les coups portés par les conjoints violents sont responsables de 8 à 10% de cas d’avortement chez les femmes battues. Beaucoup de femmes portent des séquelles physiques et psychologiques  des coups reçus pendant de nombreuses années. En France, selon les enquêtes, trois à cinq femmes meurent chaque semaine du fait de la violence conjugale et une femme sur dix est victime de violence.

La violence conjugale peut être définie comme un processus au cours duquel une personne exerce à l'encontre de son (sa) partenaire, dans le cadre d'une relation privée et privilégiée, des comportements agressifs et destructeurs. La violence conjugale est une réalité transnationale et transculturelle ; elle touche tous les milieux sociaux. Cette violence s'exerce sous diverses formes : verbale, physique, sexuelle, morale, etc.

  • violence verbale et psychologique : insultes, critiques, chantage, déstabilisation, annihilation des repères dans le but d'obtenir une soumission totale ;

  • violence physique : atteintes portées au corps de l’autre tels que les coups, les mutilations, les brulures, la torture, la séquestration, le meurtre, la privation de nourriture, la privation de soins, etc.;

  • violence sexuelle : violence qui concerne la contrainte sexuelle, qu’elle s’exerce par la brutalité ou par une pression insidieuse (agression sexuelle, viol, proxénétisme) ;

  • violence morale : privation de libertés (enfermement, séquestration etc.), privation d’autonomie (confiscation de revenu, de véhicule, etc.), volonté d’aliénation économique, volonté d’aliénation administrative (confiscation des pièces d’identité), etc.

La violence intervient au cours d'incidents récurrents entraînant parfois des blessures, des symptômes et des séquelles affectives et psychologiques graves.

En Europe, la violence est sévèrement punie par la loi. En France, la loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du Code Pénal mentionne que la qualité de conjoint ou de concubin de la victime constitue une circonstance aggravante des « atteintes volontaires à l'intégrité de la personne ». Les pouvoirs publics ont décidé de sévir contre les immigrés qui ne laissent pas toujours leurs traditions à la frontière quand ils s'installent en France : cas de l’émir de Vénissieux qui avait justifié la violence conjugale ou celui des femmes exciseuses.

La violence conjugale est une atteinte volontaire à l’intégrité de l’autre. Elle a des conséquences tragiques pour la victime ainsi que pour leurs éventuels enfants (souffrance, honte, peur, stress permanent, différents traumatismes physiques et psychologiques, etc.).

Très peu de victimes de violence conjugale portent plainte. Déposer plainte est très important. Les violences conjugales doivent être dénoncées et punies..

La victime battue a tendance à s’enfermer dans sa souffrance. Souvent elle ne comprend pas ce qui lui arrive et ne sait pas comment s’en sortir. Si la femme battue est une immigrée, elle aura tendance à recourir à la médiation telle qu’elle se pratique dans son pays d’origine pour amener le conjoint ou le partenaire à arrêter la violence. Le médiateur sollicité prend en aparté le conjoint violent pour lui prodiguer des conseils. Il réunit ensuite les deux conjoints pour une réunion de conciliation. Cette approche du conflit donne de bons résultats, du moins à court terme, quand les proches ou le groupe social sont en mesure d’exercer une pression sur le conjoint violent comme c’est souvent le cas en Afrique.

Mais cette conciliation telle qu’elle est pratiquée pose un problème de justice. En effet, la procédure met sur le même pied le bourreau (le conjoint violent) et sa victime (la femme battue).

En Europe, l’environnement culturel, le type d’habitat et le mode de vie rendent le résultat d’une telle démarche aléatoire. Une fois le médiateur parti, rien n’empêche le mari de continuer à exercer sa violence. La femme battue est alors prise au piège dans l'enfer du huis clos de son appartement. Elle vit alors des situations émotives perturbantes liées à la crainte de nouvelles agressions que renforcent son isolement de femme battue, la solitude qu’elle va devoir affronter, le sentiment d’être responsable des violences  subies et le manque de préparation à vivre pour elle-même. La peur et la honte l’empêchent de parler.

L’enseignement du rôle féminin (docilité, passivité, soumission, dépendance) ne permet pas à la femme de croire à son pouvoir de contrôler sa vie.  Elle est totalement paralysée devant cette situation de violence et devient victime « consentante ». Son « homme » la contrôle et camoufle sa violence. Alors elle vit un véritable enfer fait de vexations, de critiques, de sarcasmes, de chantage, de menaces, de harcèlement, de comportements de mépris, d’avilissement, de remarques désobligeantes, de propos dévalorisants, d’humiliation, etc. Ces agressions touchent son intégrité ; ce sont des actes de tortures mentales.

Quant à son entourage, il ne sait pas comment intervenir dans un problème de vie privée. Mais laisser s'installer la violence le rend coupable de non assistance à personne en danger.

Selon la circulaire interministérielle du 8 mars 1999, « La victime est recevable à déposer plainte à toute heure auprès de tout service ou unité…. L’infraction peut être juridiquement constitué même en l’absence d’un certificat médical qui demeure néanmoins un élément de preuve matérielle essentiel pour la procédure ». On peut également porter plainte en écrivant directement au Procureur de la République qui va décider de poursuivre ou non l’auteur des infractions à la loi.

Même si la victime ne dépose pas une plainte, faire établir un certificat médical est important à chaque fois qu’elle subit des actes de maltraitance.

Très peu d’hommes victimes de violence de la part de leur partenaire portent plainte alors qu’on sait qu’il y’a des hommes violentés par leur femmes. Les hommes battus ne pas déposent plainte par honte de se laisser frapper alors qu’ils sont pour la plupart du temps plus forts que leurs compagnes, par crainte d’être ridiculisés par leurs interlocuteurs ou encore pas crus, par peur de provoquer une séparation conflictuelle, qui impliquerait la perte de contact avec leurs enfants.

Selon les associations d’aide aux hommes battus, ces derniers rencontrent des difficultés spécifiques lorsqu’ils veulent porter plainte : les services d’aide, comme le numéro d’appel d’urgence français le 3919, sont officiellement présentés comme réservés aux femmes.

La législation concernant les violences conjugales a beaucoup évolué en Europe. En France l'évolution se présente comme le montre le tableau ci-dessous.

Évolutions législatives concernant les violences conjugales

1975 :

Création du premier foyer Flora-Tristan pour femmes battues à Clichy.

1980 :

La loi précise que « tout acte de pénétration sexuelle de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui, par violence, contrainte ou surprise, est un viol ».

1990 :

La Cour de cassation reconnaît le viol entre époux. Les associations qui luttent contre les violences familiales peuvent se porter partie civile.

1991 :

Une écoute téléphonique, Femmes Info Service (01 40 33 80 60), est créée pour assister les victimes de violences conjugales.

1994 :

Le Code pénal reconnaît comme circonstances aggravantes les violences commises par un conjoint ou un concubin et renforce la peine de réclusion criminelle pour viol.

2002 :

La loi sur la présomption d'innocence renforce les droits des victimes de violences.

2005 :

Le juge peut statuer sur la résidence séparée en cas violence au conjoint ou aux enfants les mettant en danger ces victimes, en attribuant aux victimes la résidence dans le logement conjugal. Les mesures prises sont caduques si, à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de leur prononcé, aucune requête en divorce ou en séparation de corps n'a été déposée (article 220-1 du Code civil).

2006 :

La loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs est adoptée par le Parlement français. Elle prévoit une obligation de respect entre les époux, dans l'article 212. Elle introduit une aggravation des peines encourues "pour un crime ou un délit lorsque l'infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité" mais également "lorsque les faits sont commis par l'ancien conjoint, l'ancien concubin ou l'ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Dès lors que l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime". (Art. 132-80 du Code pénal). La loi modifie également d'autres articles du Code Pénal pour faire reconnaitre les violences au sein de toutes les formes de conjugalité (concubinage, PACS et mariage)

2007 :

Loi relative à la prévention de la délinquance qui crée dans les violences volontaires et les agressions sexuelles une circonstance aggravante liée à l'emprise alcoolique ou de stupéfiants.

2010 :

Les violences faites aux femmes deviennent la priorité affichée par la politique sociale nationale ; la violence psychologique est reconnue comme condamnable dans la législation sanctionnant les violences entre conjoints.

2011 :

La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique est adoptée et la France l'a signée.

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale

Bibliographie

MATOKOT-MIANZENZA, Sidonie, (2003),

Viol des femmes dans les conflits armés et thérapies familiales : Cas du Congo Brazzaville, Paris, L'Harmattan, 2003.

MATOKOT-MIANZENZA, Sidonie, (2007),

" Viol des femmes dans les conflits armés. La place des thérapies familiales ", in Edouard ETSIO (ouvrage coordonné par), Autopsie de la violence au Congo-Brazzaville, Paris, L'Harmattan,  : Cas du Congo Brazzaville, Paris, L'Harmattan, pp.97-109

HIRIGOYEN, Marie-France, (2006),

Femmes sous emprise : Les ressorts de la violence dans le couple, Paris Pocket, 311 pages.

Levert,Isabelle, (2011)

Les violences sournoises dans le couple, Paris, Robert Laffont, coll. Réponses.

SOUFFRON KATTY, (2007),

Les violences conjugales, Éditions Milan, 63 pages

     Liens utiles

  • http:/stop-violences-femmes.gouv.fr

  • http:/www.sosfemmes.com/

  • http://www.solidaritefemmes.org/

  • http://fr.wikipedia.org/wiki/Violence_conjugale

  • http://www.legifrance.gouv.fr/