Centre d'études stratégiques du bassin du Congo (Cesbc)

Centre d'études stratégiques du bassin du Congo = ISSN  2493-5387

 

 

 

 

Migrations internationales et trafic des femmes

Par

Sidonie MATOKOT-MIANZENZA

Psychologue,

Coordinatrice de Charité Maternelle Paris 14e

Centre d’études stratégiques du bassin du Congo

Auteur de :

Viol des femmes dans les conflits armés et thérapies familiales. Cas du Congo-Brazzaville,

Paris, L'Harmattan, 2003.


Troisième Partie

De la nécessité de mettre à niveau les textes africains

En Afrique, les instruments internationaux relatifs à la lutte contre la traite des êtres humains ne sont pas encore transposées dans les conventions de l'Unité Africaine. La Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant a été adoptée lors de la 26ème conférence des chefs d'État et de gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine en juillet 1990, c'est-à-dire bien avant la Convention de Palerme. Elle est entrée en vigueur le 29 novembre 1999, presque 10 ans après son adoption, après avoir reçu la ratification de 15 États, conformément à son article 47. La charte s’inspire de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant et sur la Déclaration sur les droits et le bien-être de l'enfant africain, adopté par l’OUA en juillet 1979, ainsi que de la Déclaration universelle des droits de l'homme, de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples et de la Charte de l'Organisation de l'Unité Africaine. Si certains de droits déclinés dans cette charte sont identiques à ceux de la Convention des Nations unies sur les droits de l’enfant, la plupart sont interprétés dans le contexte africain. Par ailleurs l'Union africaine a adopté le Protocole relatif aux droits des femmes en Afrique, un instrument considéré comme un pas important dans le cadre des efforts faits pour promouvoir et assurer le respect des droits des femmes africaines. Adopté le 11 juillet 2003, lors du second sommet de l'Union africaine à Maputo, au Mozambique, le Protocole exige des gouvernements africains l'élimination de toutes les formes de discrimination et de violence à l'égard des femmes en Afrique et la mise en œuvre d'une politique d'égalité entre hommes et femmes. Le Protocole demande aux gouvernements africains d'inclure dans leur constitution nationale et autres instruments législatifs ces principes fondamentaux et de veiller à leur application effective.  Le Protocole exige également l'intégration dans les décisions politiques, la législation, les plans de développement, etc., la notion de discrimination fondée sur le sexe. Les gouvernements africains sont invités à veiller au bien-être général des femmes.

Le protocole du 11 juillet 2003 vient en complément de la Charte africaine, pour promouvoir les droits fondamentaux des femmes en Afrique et veiller à la protection de ces droits. Parmi ses dispositions figurent le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique et à la sécurité des personnes, le droit de participer à la vie politique et aux processus de décision, le droit à l'héritage, le droit à la sécurité alimentaire et à un logement décent, la protection des femmes contre les pratiques traditionnelles dangereuses et la protection lors des situations de conflit armé. Sont également prévues des dispositions concernant l'accès à la justice et une protection égale devant la loi pour les femmes.

Comme on le constate aucun texte de l'Unité africaine ne fait explicitement référence à la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution ainsi que le trafic d’enfants et de jeunes adultes, le trafic des organes humains. Tout juste reconnait-on, pour ce qui est des enfants (personne âgée de moins de 18 ans), entre autres le droit imprescriptible à la vie (article 4), à l’éducation (article 11), aux loisirs et à la culture (article 12), à la protection contre l’exploitation et les mauvais traitements (travail, exploitation sexuelle… articles15, 26, 27, 29), à la santé (article 14). Dans son article 21, cette charte appelle les États à prendre « toutes les mesures appropriées pour abolir les coutumes et les pratiques négatives, culturelles et sociales qui sont au détriment du Bien-être, de la dignité, de la croissance et du développement normal de l'enfant, en particulier les coutumes et pratiques préjudiciables à la santé, voire à la vie de l'enfant.» La charte interdit également le mariage des mineurs de moins de 18 ans.

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On pourrait penser que la traite des êtres humains et l’esclavage font désormais partie de l’histoire ancienne. Malheureusement les médias internationaux sont remplis de reportages édifiants sur l'esclavage moderne dans l'industrie du sexe, les emplois domestiques, l'industrie du textile, l'industrie de la mode, l'agriculture,  ou les "promises et épouses" par correspondance, etc. Ces phénomènes reviennent donc sous de nouvelles formes et avec eux, les réseaux qui les entretiennent. La traite des êtres humains est comme un marché. Celui-ci prospère parce que les vendeurs ont face à eux une demande qui ne cesse de croître. Des êtres humains font ainsi l’objet de transaction comme des vulgaires marchandises.

S'il est nécessaire de développer un arsenal juridique efficace pour lutter contre la traite des êtres humains et l'esclavage moderne, il est important encore de travailler sur la prévention pour éviter que les jeunes africaines tombent dans les pièges que leurs tendent les différents recruteurs. De nombreuses mesures peuvent être mises en œuvre. Mais la plupart sont liées à l'évolution globale de l'environnement politique, économique et sociale en Afrique propice au développement intégral de la personne, particulièrement la femme car c'est la pauvreté, la misère et l'analphabétisme qui sont les causes premières du trafic. Ensuite il est important de développer des programmes destinés à sensibiliser les femmes sur les dangers liés aux offres d'emplois à l'étranger et à l'émigration illégale.

Les pays de destination (Union Européenne, les États-Unis et le Canda) doivent mettre en place des "canaux d'émigration (permanents ou temporaires) accessibles et transparents. Dans la plupart des pays de destination, les politiques en la matière sont restrictives ; il est donc nécessaire de déterminer quelles sont les alternatives possibles. Cela inclut une orientation socioprofessionnelle, la possibilité de suivre une formation ou de faire des études, et de manière générale toutes activités permettant aux femmes d'optimiser leurs propres ressources et leurs talents." (CAT, 2004)

 

Bibliographie
 

- ANTISLAVERY INTERNATIONAL, Human trafficking, Human rights : redefing Victim Protection, London, 2002.

- BRUCKERT, Ch. et PARENT, C., La « traite » des êtres humains et le crime organisé. Examen de la littérature, Département de criminologie, Université d’Ottawa.

- CAT, Action et travail en réseau contre le trafic des femmes, Guide Pratique en matière de sensibilisation et d'accompagnement social, Bruxelles, CAT, 2004, 46 pages.

- European Commission DG Justice and Home Affairs, Freedom, Security and Justice, Trafficking in Human Beings - The European response, Background document, Brussels 2002.

- ENOGO, Olivier, Les filières africaines de la prostitution. Mémoires d’une enquête, Paris, (Éditions Ccinia Communication),

- MATOKOT-MIANZENZA, Sidonie, Viol des femmes dans les conflits armés et thérapies familiales. Cas du Congo Brazzaville, Paris, L'Harmattan, 2003.

- OIM, Traite des être humains : bilan et perspectives, Document MC/INF/245, Genève, 2000 ;

- OIM, Trafic de migrants : caractéristiques et tendances dans différentes régions du monde, Document de synthèse présenté au 11ème Séminaire sur le trafic, Genève. 1994.

- PARENT, Colette, La prostitution ou le commerce des services sexuels, Traité de problèmes sociaux, Simon Langlois, Yves Martin et Fernand Dumont (ss la dir.), Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994, pp. 393-407.

- Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution d'autrui, Genève, 2 décembre 1949.


 

 

 
  

 

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