Luisito VENTURA

 

L’éducation et la formation tout au long de la vie : enjeux et ééfis.

 

L’Éducation nous rappelle les savoirs, le savoir-vivre inculqué par la famille et qui doit demeurer pendant toute notre existence. De nos jours, quand nous parlons de l’Éducation, nous avons en vue principalement deux institutions qui possèdent un quasi-monopole dans ce domaine : la famille, l’école. Les contenus pédagogiques concernant l’école primaire et secondaire ont été, à l’origine, conçus à l’image de l’éducation que toute « bonne famille » se devait de dispenser à son enfant. L’École est le produit d’une préscolarisation familiale (Derouet, 1992). La réalité quotidienne est incontournable et nous pointe le rôle important de l’éducation dans notre société. Cette dernière doit remporter l’enjeu de l’éducation permanente ou de la formation tout au long de la vie des prochaines décennies. Il doit y avoir un lien étroit entre l’Éducation et le monde du travail. Le milieu économique nous ramène aux qualifications dans le cadre de la productivité d’où l’importance de la formation professionnelle. La qualification nous appelle de nouveau concernant le rapport entre l’enseignement général et la formation professionnelle continue.

Le Bureau International du Travail donne la définition suivante de la formation professionnelle : « Ensemble des activités visant essentiellement à assurer l’acquisition des capacités pratiques, des connaissances et des attitudes requises pour occuper un emploi ».

La formation concerne trois domaines complémentaires :

  1. le savoir, c'est-à-dire la formation à des connaissances générales ou spécialisées par exemple se former à la comptabilité générale, apprendre une langue, etc.;

  2. le savoir-faire, c'est-à-dire la formation à l’application pratique des connaissances par exemple se former à un logiciel de comptabilité, etc.;

  3. le savoir-être, c'est-à-dire la formation aux comportements et aux attitudes nécessaires ou souhaitables dans l’exercice d’une activité précise par exemple se former à l’animation de réunion, à la prise de parole en public, à l’encadrement d’une équipe.

Il faut promouvoir la société de la connaissance, conçue comme un instrument de développement économique et social. Le développement d’une formation et d’un enseignement professionnels de qualité pour une population active compétente, flexible et capable de suivre l’évolution du secteur de production est l’une des clés de cette stratégie. Le besoin de formation initiale et continue évolue entraînant des enjeux et des défis d’ordre épistémologique et épistémique, politique et organisationnel, ainsi que pédagogique.

La formation générale devient une base de départ incontournable à une formation professionnelle qualifiante garantissant de bonnes chances de trouver un emploi. Dans une économie où le secteur des services occupe une grande place au détriment du secteur industriel qui diminue année après année, la formation professionnelle a tendance à se développer au niveau postsecondaire.

Les larges qualifications de base, instruments du développement économique

Le rêve de Platon (philosophe grec av. Jésus-Christ), que l’on pouvait considérer comme une utopie par rapport à l’époque, proposant pour la formation des citoyens et plus spécialement des dirigeants un cycle de formation allant de la petite enfance jusqu’à 50 ans est un enjeu que notre société d’aujourd’hui doit gagner. Le philosophe jugeait déjà à cette époque l’impérieuse nécessité d’une confrontation des acquis et de la vie réelle dans une participation à la vie de la cité. De ce fait, un projet social et politique en même que d’ordre éducatif ou de formation.

La Formation tout au long de la vie ou l’Éducation permanente se trouve au cœur des différents débats de société qu’ils soient d’ordre politique, économique et bien sûr éducatif. L’éducation et la formation, sont présentées en réponses au fléau social appelé le chômage, rentrent dans le cadre d’accompagnements permettant ou facilitant l’employabilité, et, assurant la reconversion professionnelle mais aussi la promotion sociale.

L’emploi qualifié est au centre de la compétition économique. La mondialisation et les nouvelles technologies font de l’emploi qualifié la condition d’une croissance soutenue et de la reconquête du plein emploi.

Dès la fin du xix siècle jusqu’aux années 1950, les relations entre l’État et le patronat par exemple en France avaient déjà permis le développement de l’enseignement technologique puis professionnel au sein du système scolaire dans un souci d’assurer la promotion sociale des milieux populaires. La concurrence au sein des entreprises se caractérisant par les qualificatifs « compétent(e) et performant(e) qui doivent habiter tout(e) jeune ou demandeur d’emploi, l’État a poursuivi la modernisation du système scolaire français en intégrant une part importante de formations professionnelles initiales.

Aux cours des dernières décennies, le niveau de la formation initiale s’est élevé et s’est accompagné d’un allongement de la durée effective des études dans la majorité des pays européens.

Au Québec, la valorisation de la formation professionnelle initiale au secondaire passe par une stratégie établie en 1986. Une modification des voies d’accès à la formation professionnelle et de l’organisation des diplômes permettra de proposer une élévation de la norme scolaire. Cette réorganisation a pour objectif de marquer une rupture avec l’image de la formation professionnelle véhiculée dans les années 1970. Il s’agit d’une vaste opération de réforme de programmes qui utilisera une méthodologie particulière appelée l’approche par compétences. La formation des adultes Québécois au coeur de la Révolution tranquille a bénéficié des ressources scolaires de l’éducation de base et de l’enseignement secondaire à l’université. Ces décennies sont considérées aussi dans les pays industrialisés comme celles de l’institutionnalisation de l’éducation des adultes.

L’instruction classique dans le cadre de la scolarité obligatoire ne garantit plus l’acquisition des bases générales requises pour l’exercice d’une activité professionnelle et d’une citoyenneté active. Les compétences fondamentales d’action comme le langage, le calcul, la communication et l’action en groupe, les compétences informatiques de base, l’esprit d’entreprise, la compréhension de la culture technologique sans oublier les connaissances de base et la volonté requises pour continuer à apprendre au poste de travail ou hors du poste de travail font partie de la nouvelle notion de « formation de base » ou de « qualifications de base ». Il faut inculquer et promouvoir le plus largement possible les qualifications de base permettant à l’Homme de participer dans sa vie professionnelle et privée à la société de l’information et des services. Il s’agit d’enjeux considérables qui entraînent de grands défis dans le cadre des politiques d’éducation et de formation.

Des enjeux et des défis d’ordre épistémologique et épistémique, politique et organisationnel, pédagogique - Enjeux et défis d’ordre épistémologique et épistémique

L’audacieux projet de l’éducation permanente qui a toujours consisté de la nécessité et du droit pour tous d’apprendre tout au long de la vie pose comme un défi le rapport à la connaissance et au(x) savoir(s), à l’acte d’apprendre. Le rapport au(x) savoir(x) sur le plan épistémologique touche à la connaissance et à sa validité en admettant qu’il faut d’abord comprendre pour apprendre à faire. Sur le plan épistémique, le rapport au(x) savoir(s) touche l’acte d’apprendre comme une entrée dans la connaissance reconnaissant qu’il faut apprendre à faire et faire pour comprendre. C’est le rapport de formation entre l’enseignant ou le formateur et l’apprenant ou la personne en formation. C’est le débat sur l’articulation des rapports entre la pratique et la théorie. Il ne faudrait pas mettre la pratique sous la dépendance de la théorie, cette dernière dictant à la première ce qu’il convient de faire et faisant de la pratique le lieu « d’application » de la théorie. Les théories s’éprouvent plutôt dans la pratique. La mise à l’épreuve des théories fera apparaître au moment opportun leur insuffisance ou leur inadéquation imposant une reprise des voies du questionnement. Si l’apport des théories est pris en considération dans l’action, il permet de progresser davantage en prenant d’autres directions. Ces théories se développent et encouragent pour l’action. De ce fait, l’introduction de la théorie dans l’action permet de constater les lacunes de cette dernière. Elle facilite la compréhension de l’acteur concernant les raisons de l’échec et lui dégage de nouvelles probabilités pour la préparation de nouveaux plans d’action. Depuis longtemps, la formation des adultes a entrepris de mettre en œuvre ou de faciliter le rapport d’interaction dialectique entre la théorie et la pratique. La formation des jeunes au Québec a été gagnée par cette préoccupation adoptant la « pédagogie du projet » et l’« approche compétence(s) ».

Enjeux et défis d’ordre politique et organisationnel

L’Éducation permanente, la Formation tout au long de la vie souhaitée par rapport aux changements fréquents du monde du travail, fait que le passage de l’école au travail doit assurer la diversité des compétences et pas seulement des savoirs professionnels. Pour cela, il faudrait que les orientations qui se dégagent des politiques et des réformes de l’éducation et de la formation professionnelle au Québec dans le contexte de la nouvelle économie des connaissances prennent en compte le rapport entre la pratique et la théorie.

Il faudra adapter la formation tout au long de la vie aux changements intervenus dans le monde du travail afin de répondre aux enjeux et défis d’ordre politique concernant les structures et les programmes. Le rapprochement entreprise-école doit s’appuyer sur des objectifs communs en matière de résultats pour les pouvoirs publics et pour les acteurs économiques. Le fonctionnement de ce partenariat se fera à partir d’un socle commun des « larges qualifications de base » répertoriées dans les différents référentiels élaborés pour l’École et les Entreprises en fonction des métiers des secteurs d’activités. Il y aura deux référentiels par métier à savoir un pour l’institution publique et un pour le monde du travail. La création d’une structure de contrôle et de régulation sera essentielle concernant le fonctionnement de ce partenariat et l’aménagement des différentes passerelles entre les métiers. La mise en place d’un soutien à la réalisation de bilans individualisés de compétences pour les personnes concernées et non pour des travailleurs déterminés en fonction uniquement des besoins de l’entreprise. Ces mesures ne sont pas imaginaires car elles ont été approuvées et mises en application dans certains pays d’Europe. La Formation professionnelle des jeunes au Québec devrait s’inspirer de certaines de ces orientations pour le développement véritable de son enseignement.

Des changements organisationnels dans les institutions scolaires concernant la gestion de ces établissements se feront en prenant véritablement acte du changement de paradigme intervenu. En effet, le défi est de reconnaître que l’école jusqu’à l’université comprise n’est plus et n’a jamais été le lieu pratiquement exclusif de la construction et de la diffusion des connaissances, et de formation. Elle est dans l’obligation de situer son propre apport indispensable dans une relation de complémentarité et d’interaction avec les apports d’autres sources. L’École devrait être amenée à aller plus loin qu’elle ne l’a fait présentement sur la voie de la prise de distance critique, en vue de l’appropriation d’un héritage et de l’acquisition de ce que l’on appelle « une culture large ». L’École étant le lieu du retour réflexif et critique sur la pratique, sans lequel l’action répétée n’entraînera jamais la compétence. Dès l’entrée, l’exigence c’est que l’on sache prendre acte de la diversité des acquis antérieurs, que l’on fasse ceci, encore une fois de la maternelle à l’université. Mais, il faut se satisfaire du bilan des compétences s’agissant d’éducation et de formation des adultes, du secondaire, du collégial et de l’université

Enjeux et défis d’ordre pédagogique

L’approche pédagogique est l’ensemble des aspects relevant du processus d’apprentissage et d’enseignement, depuis le climat pédagogique jusqu’à l’orientation des apprenants. Ce sont des enjeux concernant surtout la supervision de l’itinéraire de formation. Une supervision réussie s’exerce tout au long de l’itinéraire et tient compte du caractère hétérogène des groupes d’apprenants. L’approche pédagogique montre l’importance du rapport entre la théorie et la pratique.

Le changement de paradigme intervenu ne reconnaissant plus l’exclusivité de l’école nécessite à regarder de nouveau le rapport de formation entre l’enseignant ou le formateur et l’apprenant ou la personne en formation.

La notion de compétence a pénétré le champ scolaire avec l’approche par compétence qui ne permet plus de répondre aux enjeux et défis de la politique d’éducation et de formation.

Aujourd’hui, la compétence n’est plus entendue comme la capacité seulement d’accomplir correctement le travail prescrit, mais plutôt comme celle de « transférer » dans une situation nouvelle et en fonction d’un nouveau travail des connaissances et des habiletés acquises. La compétence c’est par exemple la capacité de « mobiliser » dans une situation nouvelle ou originale, en fonction d’un travail nouveau à exécuter, ses acquis expérientiels et pratiques mais aussi théoriques mis en disponibilité, puis en action dans une articulation elle-même originale qui permettra d’innover. L’« approche par compétence » renvoie à la capacité du sujet de contextualiser, décontextualiser et recontextualiser ses acquis c'est-à-dire ses savoirs pratiques et théoriques. L’« approche compétence(s) » fait plutôt appel à la capacité du sujet-acteur d’articuler de façon neuve le jeu des interactions entre les ressources d’ordre divers que sont les savoirs pratiques et théoriques.

L’approche compétence suppose de considérer et de reconnaître, dès le départ, les personnes en formation non comme des objets de l’action-formation, mais bien, comme des sujets qui sont aussi des agents sociaux et des agents, avec d’autres, de leur propre formation en même temps que d’une formation commune. Le rapport inégalitaire établi entre celui qui sait et celui qui ne sait pas, est mis en cause. Des rapports différenciés et de complémentarité sont instaurés entre les enseignants et les enseignés, entre le formateur et les personnes en formation, mais aussi entre les apprenants en vue de la construction et du développement de compétences. Dans le cadre de cette approche, les enseignants et les formateurs constatent l’aptitude de chaque personne, comme un sujet apprenant et comme un agent dans la société, à faire son « bilan de compétences » et à définir ses besoins, à choisir ses voies d’apprentissage en fonction de son propre style, à évaluer la qualité et la pertinence des apprentissages effectués en fonction de ses objectifs.

L’approche compétence au cours du processus de formation professionnelle continue valorise le bon niveau des qualifications initiales.

Le lien entre l’enseignement général et la formation continue

Depuis deux ou trois décennies, la formation et l’emploi connaissent un double mouvement de montée vers la qualité qui s’est traduit, d’une part, par une élévation du niveau de formation initiale et, d’autre part, par une augmentation des emplois qualifiés et une diminution des emplois non qualifiés.

L’Organisation de Coopération et de Développement Économiques a souligné dans ses publications que les changements intervenus dans les besoins en formation vers des compétences conceptuelles plus générales et des savoirs applicables à diverses activités et tâches professionnelles tendent à reconsidérer l’articulation entre la formation de base et la formation continue en revalorisant la première.

L’amélioration de l’enseignement général est la condition pour une meilleure efficacité de la formation continue.

La formation professionnelle continue assurée à l’occasion du travail, à l’occasion de la production de biens et de services rappelle que les emplois qualifiés nécessitent des savoirs et savoir-faire toujours actualisés. En effet, il est impossible d’assurer l’existence d’une offre de qualifications au niveau des travailleurs qualifiés au moyen de la formation initiale. Aussi, il n’est pas surprenant que près de soixante pour cent (60%) des actifs considèrent la formation permanente comme «très importante» pour leur activité professionnelle.

L’exigence du niveau de formation initial entraîne des conséquences pour une partie des travailleurs. Au Québec, ils sont seulement vingt cinq pour cent (25%) à avoir bénéficié des programmes de formation. En outre, ce pourcentage correspond à une couche des salariés les plus privilégiés.

L’égal accès à la formation professionnelle semble donc un enjeu crucial au regard des inégalités de genre. La formation continue certifiante bénéficie davantage aux cadres qu’aux salariés ou aux ouvriers. On constate chez les femmes la même dérive encore accentuée.

Le lien entre la formation initiale et l’emploi ne cesse de se relâcher à mesure que s’élève la qualité de la formation initiale et l’emploi, alors que le lien entre un faible niveau de formation initiale et l’exclusion tend au contraire, à se renforcer.

Après avoir considérablement accru l’effort de formation continue, les entreprises cherchent aujourd’hui à en améliorer l’efficacité. Il s’agit de réduire les coûts de formation du secteur privé en améliorant continuellement la qualité de l’enseignement général qui, à son tour, constitue la base pour des investissements privés ultérieurs.

Il deviendra de plus en plus difficile de positionner la formation professionnelle au seul niveau secondaire supérieur.

L’importance des enjeux et défis de la politique d’éducation et de formation passe par une bonne articulation du rapport au(x) savoir(s) entre la théorie et la pratique compte tenu des changements intervenus dans le monde du travail.

La transition vers une société de la connaissance et des services provoque un renforcement des chances qui bénéficient aux personnes hautement qualifiées.

Le développement du secteur des services conduit à une tertiarisation de la formation professionnelle, tendance international, qui correspond à une évolution des exigences de qualifications et des ambitions éducatives : les formations consécutives à une première formation sont nombreuses.

L’importance des professions simples est réduite par la diminution du secteur de production rongeant lentement le volume des formations spécialisées qualifiées. De nombreux emplois de services ne nécessitent pas de formation spécialisée prolongée, mais des qualifications de base d’ordre scolaire et comportemental.

Il est donc important de dispenser à tous les jeunes une solide formation de base assurant leur employabilité et servant de plate-forme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie. La formation générale des adultes (« stabilisation de la personnalité ») et la formation continue d’adaptation gagneront en importance à tous les niveaux du système de l’emploi.

Il serait rationnel de s’inspirer des principales caractéristiques et des principaux avantages, mais aussi des limites et des défis auxquels est confronté le système dual (de l’apprentissage) de la formation professionnelle en Allemagne qui a toujours suscité beaucoup d’intérêt de la part des Américains du nord, des Canadiens et des Québécois.

 

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