CESBC - Centre d'études stratégiques du bassin du Congo            


  
  

 

André SABOUKOULOU et Hélène DOS SANTOS

 

 

Ces noms de famille réservés aux femmes.

Combien de temps survivront-ils ?

 

 

En Afrique subsaharienne, les noms  attribués aux enfants dès la naissance ont une signification. En effet, un nom peut porter la marque d'un événement vécu par un parent ou une famille. Il peut être tout simplement un des sept jours de la semaine (le jour de la naissance de l'enfant par exemple). Il peut représenter un totem, une qualité, un comportement. Il peut aussi appartenir à des zones réservées dans la nomenclature des noms utilisés dans le groupe ethnique concerné.

Parmi les cas illustratifs des noms réservés, nous citons ceux utilisés pour distinguer les jumeaux, les triplés, les quadruplés et leurs sœurs et frères cadets.

Nous nous sommes intéressés à une catégorie de noms réservés, ceux attribués uniquement aux femmes. Et nous avons mis en évidence un phénomène tout à fait curieux : leur survie précaire. Étant donné que cet exercice s'est limité à une observation rapide sur notre environnement social immédiat, les conclusions auxquelles nous avons abouties ne sauraient être extrapolées directement à d'autres groupes ethniques, dans quelque région d'Afrique que se soit, sans tenir compte des us et coutumes des peuples concernés et de la manière dont ils se trouvent perturbés dans leur contrat avec la modernité.

Notre démarche procède de la considération suivante : quelques problèmes peuvent surgir dans l'usage quotidien des noms. À titre d'exemple, les prénoms chrétiens présentent l'avantage de savoir, sans même voir la personne concernée, s'il s'agit d'un homme ou d'une femme. Existait-il un moyen d'opérer la même distinction à partir des intitulés des noms à partir des noms dans l'Afrique précoloniale ? Avant de répondre à cette question, il importe de dire un mot sur les prénoms, pour éviter toute équivoque à ce sujet. Cette précaution n'est pas anodine. En effet, comme chacun le sait, les "prénoms" en tant que tel n'est pas anodine. En effet, comme chacun le sait, le "prénom" en tant que tel n'est pas une invention du monde occidental. Il existait aussi des prénoms hier, dans l'Afrique précoloniale, comme il en existe encore aujourd'hui dans de nombreuses régions.

D'ailleurs, qu'est-ce qu'un "prénom", sinon, comme la structure du mot l'indique, un nom qui précède un autre ? Et, sans référence aucune avec le calendrier romain, ce nom peut être un deuxième nom de famille, libelle dans la langue maternelle. L'authenticité zaïroise en a donné un exemple d'illustration. ceci étant, revenons à notre question, en la formulant d'une autre manière. À partir  d'un simple nom ou des deux noms de famille qui se suivent, est-il possible aujourd'hui en Afrique subsaharienne de savoir s'il s'agit d'un homme ou d'une femme ?

Il n'est pas aisé de proposer une réponse définitive et valable pour toutes les régions d'Afrique subsaharienne, à cause des particularités culturelles d'une région à l'autre. Nous pouvons cependant répondre par l'affirmative à cette question, en nous limitant aux coutumes du groupe Kongo. Nous donnons ci-après une liste non exhaustive des noms réservés aux filles à leur naissance. Près de 85 noms figurant parmi les plus courants dans l'ère Kongo, ont été recensés sur la base d'un dénombrement empirique.

Trois remarques méritent d'accompagner cette liste :

  • celle-ci pourrait en réalité se prolonger sur la base d'une investigation plus poussée;

  • certains noms jadis réservés aux femmes ont été purement et simplement écartés de cette liste, dans la mesure où notre observation empirique nous a conduit à noter qu'ils commençait à être de plus en plus portés par des hommes; Prenons comme exemples : Louvouezo, Ntsiété, Bounzeki, Malanda, Vindou, Babindamana, Bassinga, Nzingoula, Yengo, Balossa;

  • certains des noms de la liste commencent à être utilisés pour des hommes, tandis que des noms comme Vouala, Nzoumba, Oumba, Santou, Loutaya, Nkoussou, pour ne citer que ceux-là, appartiennent encore dans la zone des noms réservés aux femmes ;

Nous n'aborderons pas le problème de la signification de ces noms féminins. Nous retiendrons qu'un nom en Afrique subsaharienne n'est pas, en règle générale, dépourvu de sens, qu'il soit hérité d'un parent ou d'un aïeul. Et, bien souvent, seule la connaissance insuffisante que nous avons de nos propres langues maternelles explique notre balbutiement quand il s'agit de donner la signification exacte des noms de famille que nous portons.

À suivre