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Le 27 août 2007

AMÉNAGEMENT DURABLE ET 

CERTIFICATION DES FORÊTS CONGOLAISES 

Par

 

Arthur Yvon KIBONGUI MOUGANI,

Étudiant 3e cycle Bio-Ressources Tropicales, Cesbc

Jean BAKOUMA, Économiste, Cesbc

RESUME

Mots clefs : Forêt tropicale, aménagement durable, certification forestière, itinéraires techniques

Pour freiner la dégradation des forêts tropicales  due à une exploitation non contrôlée, et maintenir les fonctions biologiques des forêts, une  nouvelle démarche s’est imposée sous l’impulsion des institutions internationales et des organisations environnementales : la gestion durable des forêts. Cette démarche exige au préalable une connaissance scientifique éprouvée des écosystèmes forestiers devant permettre la conduite des actions à y effectuer. Divers échecs et réussites des tentatives d’aménagement ainsi que des résultats de travaux sur  la dynamique des forêts tropicales ont fournis quelques éléments d’approche de l’aménagement durable. Le processus d’aménagement durable et de certification des forêts engagé au Congo progresse et a atteint à ce jour 5% des forêts totales du pays. Cette étude a été menée pour savoir si les itinéraires techniques et les techniques d’exploitation adoptées par la méthode congolaise, transposent des méthodes expérimentées en Malaisie (Malayan Uniform System  MUS et Selective Management System SMS), au Ghana (Modified Selection System MSS), au Gabon (Méthode Okoumé MO) et tiennent compte des résultats et travaux de recherche sur la dynamique forestière tropicale dans la zone guinéo congolaise afin de justifier leurs gages écologiques. Cette étude a également permis de comprendre l’évolution de l’aménagement au Congo, d’énumérer les contraintes susceptibles de freiner ce processus pour trouver des pistes d’amélioration. 

 ABSTRACT

 Key-word : Tropical forest, sustainable management, forest certification, technical itinerary

Under the impulse of the international institutions and the environmental organizations a new necessary step has been taken in order to stop the tropical forests degradation due to non controlled exploitation, and to maintain the biological functions of the forests: the sustainable forest management. This step requires first of all a tested scientific knowledge of the dynamic of the forest ecosystems so as to allow the control of the actions to be carried out the forest. Various failures and successes of forest management system and some results of scientific works on the dynamics of the tropical forests provided some elements of sustainable forest management approach. The sustainable management and forest certification process engaged in Congo progresses and reached now 5 percent of the forests total of the country. This study was undertaken to know if the technical itinerary and the technical rules of exploitation adopted by the Congolese management system, was from the management systems tested in Malaysia (MUS and SMS), in Ghana (MSS), or in Gabon (Okoumé Method) and takes account of the research tasks results on forest dynamics tropical in the guinea Congolese area in order to justify their ecological pledges. This study also made it possible to include/understand the evolution of installation in Congo, to enumerate the constraints likely to slow down this process to find tracks of improvement. 

 

 INTRODUCTION

Depuis 1920, début de l’exploitation forestière au Congo et malgré un premier inventaire des forêts réalisé en 1974, les forêts ont toujours été soumises à une exploitation de type minier avec une production soutenue et limitée à quelques essences de haute valeur économique.[1] Sans aucune perspective, la préoccupation principale dans le secteur forestier congolais a été axée sur les performances des techniques d’exploitation ainsi que sur la production à rendement soutenu à long terme couvrant plusieurs coupes, avec pour conséquence la dégradation continuelle de la forêt. Ce mode d’exploitation a montré ses limites. Cette disparition accélérée des forêts tropicales mondiales dénoncée à la Commission Mondiale de l’Environnement (CMED) en 1987 et réitérée lors du Sommet de la Terre de Rio en 1992  a permis au Congo, de mettre en surface dans le secteur forestier les impacts négatifs de l’exploitation du bois. Dès lors les autorités congolaises ont opté pour une méthode de gestion durable des écosystèmes forestiers, et plusieurs initiatives d’adhésion à divers accords et programmes internationaux portant sur l’aménagement, la protection et la conservation, des écosystèmes forestiers et de la biodiversité ont suivi.[2] Le Congo a engagé depuis 2000 un vaste programme d’élaboration de plans d’aménagement mobilisant huit compagnies forestières établies sur quatre millions d’hectares de forêts et d’un schémas national de certification basés sur les PCI harmonisés OIBT/OAB dans une perspective d’intégration des marchés éco sensibles. L’un des faits majeurs est l’initiative de la CIB pour une certification FSC de sa concession forestière de Pokola constituant ainsi le pilote d’une méthode d’aménagement durable des forêts au Congo qu’il convient d’examiner, savoir si cette méthode découlerait d’un modèle  type  d’aménagement préexistant et mesurer ainsi  son adaptation et son efficacité associé à la norme de certification.

METHODOLOGIE

L'exploitation forestière est un outil sylvicole. L'impact des dégâts d'exploitation sur la pérennité des peuplements ne doit pas être minimisé tout en se souvenant que la justification des forêts de production est son exploitation. La méthode principale consistant à analyser les méthodes d’exploitations ainsi que les coûts et avantages du processus d’aménagement et certification, pourrait permettre de déterminer l’efficacité ou non des itinéraires techniques pris sur le modèle des différentes méthodes d’aménagement existants avec la norme de certification en cours et apporter des éléments de réponse par rapport aux objectifs fixés.[3] L’analyse coûts­ avantages (ACA) étant une méthode pour mesurer et évaluer les avantages relatifs de projets pour la prise de décisions éclairées. Elle tient compte des conséquences d'un projet à toutes les échelles de son champ d’application.

ZONE D'ÉTUDE

La Méthode d’Aménagement durable congolaise est expérimentée depuis 2005 en forêt dense équatoriale au sein de l’UFA Kabo une concession forestière de la Congolaise Industrielle des bois (CIB), située au nord-ouest du Congo en bordure de la frontière camerounaise. Cette UFA est la seule sur toute l’étendue du pays disposant d’un plan d’aménagement durable validé. Ce plan est l’illustration de la méthode d’aménagement durable en cours au Congo.

L’UFA Kabo couvre une superficie de 267 048 ha. Située dans la zone de climat équatoriale avec une pluviométrie moyenne annuelle de 1686 mm, elle présente un relief généralement plat et légèrement ondulé au nord, avec des sols ferralitiques plus ou moins hydromorphes. La végétation de Kabo est un ensemble constitué par plusieurs types de forêts, les forêts inondables et marécageuses et les forêts sur terre ferme vouées à la production de bois d’œuvre.

Figure 1. Carte de l'UFA Kabo

  RESULTATS ET DISCUSSION

Plusieurs aspects des méthodes MUS, SMS, MSS, MO repris dans la méthode congolaise laissent penser que la méthode congolaise s’inspire de ces dernières.

1. Rapprochement de l’expérience congolaise des autres méthodes d’aménagement 

En effet la pratique d’un inventaire qui permet d’obtenir une évaluation plus complète de la forêt en vue d’y effectuer des actions allant de la production de bois à la conservation ou à la recherche.[4] (Cf. Annexe 1. Analogies et différences entre les méthodes MUS, SMS, MSS, MO et la méthode congolaise)

Le délianage préalable permettant de réduire fortement les dégâts d'abattage dans le peuplement en évitant au moment de l’abattage l’entraînement de plusieurs arbres lors d’une chute, ainsi que la détermination des DME et l’évaluation de la régénération qui déterminent la physionomie future de la forêt, sont les points de convergence très marquants.

Comme le définit le tableau 1 en annexe les méthodes sont différentes chacune en fonction des activités sylvicoles, par contre la chronologie des différentes étapes est identique. La différence pourrait aussi résulter de la particularité de chacune des forêts dans lesquelles ces différentes méthodes ont été expérimentées, à savoir la localisation, la topographie, le climat et la  structure végétale.

En effet les forêts tropicales d’Afrique se concentrent dans le continent et sont très hétérogènes. Contrairement aux forêt d’Asie du sud-est, essentiellement situées sur des grandes îles (80% environ dans les îles d’Indonésie, de Malaisie, des Philippines et de Papouasie Nouvelle Guinée), et relativement homogènes en raison d’une très forte densité des arbres de la famille des Dipterocarpacées.

Cela explique sans doute que les durées de rotation en Asie soient de l’ordre de 40 à 50ans, plus longues que celles pratiquées  en Afrique qui sont de l’ordre de 20 à 40 ans.[5] Des études prospectives concernant la biomasse, montrent d’ailleurs qu'un délai de 100 ans entre deux exploitations successives est nécessaire pour permettre à la forêt de retrouver son stock initial de jeunes tiges  ainsi que sa biomasse d'origine, un argument valable pour les forêts asiatiques. Cependant en Afrique[6] les longues rotations sont difficilement applicables même si une exploitation intensive à grande échelle, à courte rotation, avec un contrôle insuffisant des coupes, risque d'altérer la composition spécifique de la forêt et de nuire à sa structure et à la qualité mais paradoxalement. Les longues rotations supposeraient un prélèvement important de la ressource qui induit une ouverture importante du couvert forestier difficile à doser et à contrôler. 

L’extrême hétérogénéité de la forêt tropicale africaine serait plus compatible aux coupes sélectives.[7] Les coupes sélectives dans les forêts tropicales mélangées peuvent, en théorie, être ordonnées de façon à maintenir un équilibre optimal entre les divers stades de la succession écologique, afin d'assurer un maximum de diversité génétique et la conservation des ressources génétiques tant des essences pionnières que de celles des stades ultérieurs.

En conclusion il faut admettre qu’il n’existe pas de méthode type d’aménagement mais d’un schéma directionnel plus ou moins universel  pour une exploitation à impacts réduits qui se résume comme suit :

  • Détermination des zones à protéger.

  • Détermination des diamètres minimum d’exploitabilité.

  • Inventaire d’exploitation.

  • Définition d’une durée de rotation.

  • Principe de coupe et abattage.

  • Volume maximum d’exploitation et de production.

  • Planification des routes forestières et optimisation  des pistes de débardage.

 2. Evaluation de l’efficacité de la Méthode Congolaise

L’un des critères d’efficacité étant l’atteinte des objectifs et l’adaptabilité des mesures. Cette évaluation se base sur 2 des objectifs de l’aménagement des forêts préconisés par le code forestier à savoir une production optimale de bois et une réduction au minimum des dégâts.

Grâce à des outils comme le SIG et le GPS, les inventaires sont plus précis, élargis à des produits forestiers autres que le bois d’œuvre et tiennent compte de la composition réelle de la forêt et/ou de sa condition après exploitation alors que[8] par le passé ceux-ci  se bornaient à déterminer les volumes marchands d'un nombre limité d'essences dites économiques ou potentiellement économiques. (cf. annexe 2: Comparaison des méthodes d’exploitation forestières avant et après aménagement durable)

L’aménagement à travers les méthodes d’exploitation à faibles impacts prend en compte les dégâts liés à l’exploitation et vise à les réduire au minimum.

Sur la base des travaux réalisés dans la forêt de Mbaïki en Centrafrique, on limite les[9] prélèvements à 2,6 arbre par hectare ceci pour réduire les impacts au sol estimé à moins de 20%.

L’aménagement durable intègre 2 nouveaux paramètres en plus du diamètre minimum d’exploitabilité : Le DMF et le DMA. Le diamètre minimum de fructification DMF est le diamètre à partir duquel un arbre produit des graines avant leur abattage conserve les capacités de régénération.[10] Ce nouveau paramètre qui intègre la logique de diminution des gaspillages de bois, les dégâts d’exploitation et la garantie de la régénération, en partant du principe que si le diamètre minimum d’exploitation (DME) est inférieur au diamètre auquel l’arbre fructifie abondamment, on risque de mettre en péril la régénération de l’essence exploitée. Le diamètre minimum d’aménagement DMA est une simple correction du DME, avec une marge de 10 à 20cm supérieur au DME on est sûr que les arbres abattus sont aux normes.

 Tableau 1. Diamètres techniques par essences

Essence

DMF (cm)

 DME (cm)

 DMA (cm)

Acajou

-8080

Afromorsia

-5060

Aniégré

506070

Ajous

9070100

Padouk

-8080

Sapelli

558090

 

On note une nette amélioration des méthodes d'exploitation induite par l’aménagement durable: délianage, cartographie des arbres à abattre, abattage directionnel, planification du réseau de débardage....

La prise en compte des résultats du dispositif de Mbaïki en Centrafrique se justifie par le fait que la forêt centrafricaine est contiguë à la forêt nord congolaise, elle est son prolongement. Toutes deux ont les mêmes particularités : ce sont des composantes du bassin forestier du Congo, située au nord de l’équateur avec un même type de climat et de composition pédologique ainsi qu’une topographie et une  structure végétale semblables (forêts essentiellement riches en Sipo et Sapelli).

3. Processus de Certification :

a. Certification au niveau de l’UFA

La SGS mandatée par le FSC, a audité l’UFA de Kabo pour l’attribution d’un label de certification FSC suivant ses normes. Depuis le 26 Mai 2006, cette UFA  est certifiée FSC. Le choix de ce système n’entre pas dans le cadre d’un programme étatique. C’est plutôt un choix à titre privé défini dans la stratégie d’intégration des marchés éco sensibles de la CIB et de l’amélioration son image vis à vis des  lobbies écologistes.

b. Certification au niveau national

Dans le cadre du processus panafricain de certification avec l’appui de l’OIBT et à travers le projet OAB/OIBT "Promotion de l’aménagement des forêts africaines", un programme d’élaboration de PCI applicables au niveau national et au niveau de l’UFA a été amorcé sur la base du catalogue OAB/OIBT validés par les experts africains.

Il s’agit d’une adaptation de PCI harmonisés OAB/OIBT au contexte socio-économique et aux conditions écologiques nationales. Une première mouture des PCI nationaux a été finalisée et adoptée le 25 juin 2006. Dans l’avenir ces PCI devraient permettre d’évaluer les progrès réalisés en matière d’aménagement durable à un moment donné sur l’espace territorial, et servir de norme de référence pour la certification des bois congolais.

Grâce à l’attribution du certificat FSC à la CIB pour l’UFA  Kabo, le pourcentage de forêts certifiées représente 2 % de l’étendue forestière nationale faisant du Congo le leader dans le processus d’aménagement et certification forestière en Afrique centrale. L’UFA Kabo est devenu la plus grande concession certifiée FSC en Afrique centrale devant la concession de Wijma au Cameroun (41 000ha).

 Figure 2.

 Forêts aménagées durablement et non aménagées

 

4. Production

Depuis la mise en place de l’aménagement durable au sein de Kabo (en 2005), la production annuelle ne dépasse plus le Volume maximum annuel de production (VMA) fixé à 100000m3 pour l’UFA Kabo.

 Figure 3 

Écarts de volume de production/VMA sous aménagement durable/sans aménagement durable

 

 

La baisse de production est favorable au maintien des essences de valeur jusque là constituant majeur de la production,  d’autant qu’elle est compensée par la diversification de essences à exploiter.

En effet comme on peut le voir dans le tableau, sur une production totale annuelle de bois  de 124 000 m3 en 2000 le Sapelli représentait 69 % et les diverses essences 5 %. En 2005 sur une production totale annuelle de bois  de 88 000 m3, la part de Sapelli a chuté  à 34 % et celle des essences diverses  est passée à 15 %.

Tableau 2.

Comparaison Volume de production totale et par essence,

sans aménagement (2000) et sous aménagement (2005)

 

 

2000

2005

Superficie exploitée (coupe annuelle)

8 300 ha

7 700 ha

Type de forêt

8 300 ha vierges

3 200 ha vierge

4 500 ha déjà exploités

Total volume exploité

127 500 m3

88 000 m3

dont : Sappelli

 

  • Volume

  • en %

85 500 m3

69 %

30 000 m3

34 %

Essences exploitées > 500 m3

  • Nombre

  • En %

9,0

5 %

14,0

 15 %

 Source : Cellule d'aménagement du CIB

 

5. Contraintes

L'aspect de la dynamique forestière en rapport avec l'exploitation forestière le plus marquant, est la croissance et le rendement des essences marchandes principales.

a. Dynamique forestière

L'absence de cernes annuels bien nets dans les bois de la plupart des essences tropicales alliée à la complexité des conditions de croissance et de la composition spécifique des forêts, rend les prévisions de rendement mal aisées.

En dépit du développement progressif dans un certain nombre de pays de réseaux de placettes d'échantillonnage permanentes dans des échantillons représentatifs de forêt initié par le Cirad, on n'a que peu ou pas d'information fiable sur l'importance relative des facteurs génétiques et écologiques dans la détermination du rythme individuel de croissance des arbres dans les peuplements naturels.

b. Compétence 

Les différentes études de faisabilité d’aménagement de permis forestiers mettent en avant un déficit de compétence tant au sein des entreprises que de l’administration forestière. Ce déficit peut se situer à deux niveaux, d’un coté les “cellules d’aménagement”, c’est-à-dire les structures internes à l’entreprise chargées de superviser la préparation du projet d’aménagement, ne sont pas en place, et les personnels d’encadrement sont en général insuffisamment sensibilisés aux pratiques liées à l’aménagement des forêts et ont peu de connaissances de l'autoécologie de toutes les essences en général, de la biologie de la reproduction, la biologie de la dispersion des semences. De l’autre l’absence de coordination des organismes de recherches forestières avec l’administration forestière.

c. Le plan d’aménagement

Il est évident que l’aménagement imposera une modification des pratiques et se traduira par un ensemble de contraintes. La plus évidente de ces contraintes est le scrupuleux respect des prérogatives, l’interdiction de la « repasse », les obligations d’inventaire, la valorisation des essences secondaires….

d. Les coûts

Les coûts sont largement fonction du contenu de l’aménagement. Ils se décomposent en coûts liés, à l’investissement (10 %), au fonctionnement (15 %), à l’encadrement et l’assistance technique (45 %), à la réalisation des inventaires et études dendrométriques (25 %), à la cartographie et à la stratification (1 %) et enfin aux études socio-économiques (4 %) d’après le plan d’aménagement CIB.

L’aménagement représente évidemment un coût pour l’entreprise. Pour l’UFA Kabo le coût d’élaboration du plan d’aménagement est estimé à environ 400 millions de francs CFA, et pour l’ensemble des concessions allouées à la CIB le montant s’élève à 1 635 000 000FCFA pour une superficie de 88 0150 ha, soit 1 858FCFA/ha.

A cette dernière somme s’ajoute les[11] 7 milliards de FCFA annuel au titre de redevances forestières dû à l’état. Partant des estimations de coût d’élaboration des plans d’aménagement, le coût mentionné par la CIB est plus bas, car sur[12] la base de  3 360 FCFA/ha ce coût remonterait à 2 957 304 000 FCFA. On constate que l’aménagement a une incidence majeure sur les charges de l’entreprise (cf. tableau 3).

Devant la contrainte de rentabiliser leur activité l’aménagement apparaît comme une pratique supplémentaire qui n’est pas compensée par la production encore réglementée et encore moins élevée que sans aménagement durable.

Tableau 3. Évolution des coûts d'aménagement (J. Bakouma 1999)

Nature des opérations

Coûts de départ/ha

Coûts intermédiaires/ha

Coûts susceptibles

d'êtres atteints/ha

Coût d'élaboration

1. Organisation du travail

36 000

39 000

43 2000

2. Reconnaissance de la forêt

2 400

2 640

2 880

3. Cartographie du domaine

45 200

49 720

54 240

4. Inventaire d'aménagement

30 500

33 550

36 600

5. Inventaire d'exploitation

42 000

46 200

50 400

6. Système géomatique

30 200

33 220

36 240

7. Formation du personnel

216 800

238 480

260 160

Total /120 000 ha

403 100

443 410

483 720

Total/ha

3,360

3,696

4,032

Total/ha

0,336

0,370

0,403

Coût annuel de mise en oeuvre

 

1. Inventaire d'exploitation

720

792

864

2. Travaux sylvicoles

1 320

1 452

1 584

3. Equipe de suivi de gestion

13 000

14 300

15 600

Total/3000 ha/an

15 040

16 544

18 048

Total annuel/ha

5,015

5,516

6,018

Total/m3

0,500

0,550

0,600

Bakouma, J., Aspects économiques et institutionnels de la gestion durable des forêts en Afrique, Nancy, INRA/OIBT, Projet OIBT PD-1/93 Rev.1 (M, F, I)

e. Coûts liés au transport 

Figure 4. Voies d'évacuation de la production

 

L’éloignement des chantiers des ports d’exportation pose le problème de coût de transport. L’aménagement apporte l’élargissement de la gamme d’essences à exploiter dont la plupart ne supportent les coûts de transport. En effet elles perdent leur valeur suivant la longueur du trajet. C’est le cas de l’Ayous et l’Azobé qui perdent leur marge brute totale aux 100 km comme le montre la figure ci après. Cette tendance est moins génératrice de bénéfices et risque d’entretenir l’exploitation exclusive des essences de valeur.

Figure 5.

Evolution de la perte de marge de valeur de quelques essences au km

Source : FOMETE, T., (1997), à partir des données du MINEF. Également Bakouma, J., 1999.

Cliquez ici pour télécharger la figure 5

 

À cela s’ajoute le coût lié aux infrastructures de transformation en effet le code forestier oblige une transformation de 85% des récoltes.

6. Chaîne de certification

Le processus de certification est bien engagé avec la certification FSC de l’UFA Kabo. Cependant quelques ambiguïtés persistent autour de la traçâbilité des produits issus de l'UFA Kabo. D’après le circuit de traitement de bois au sein des concessions de la CIB, Pokola demeure la place tournante où s’acheminent la plupart des abats avant sciage et exportation notamment ceux issus de Kabo comme les bois blancs, or Pokola est non certifié FSC.

Figure 6.  Chaîne de contrôle de certification

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’inexistence d’une scierie bois blanc pose la question La certification de la chaîne de contrôle : Comment identifier les bois blancs de Kabo traités à la scierie de Pokola non certifiée? 

On note très souvent un laxisme de l’administration forestière ce qui met en doute l’efficacité des normes OAB/OIBT appliquées à l’ensemble des forêts d’autant que les modalités et l’organisation des audits ne sont pas clarifiées. Une certification FSC garantie par des audits indépendants et rigoureux est plus rassurante et devrait être la seule norme applicable à tous.

En somme toutes initiatives  doivent être régularisées car la diversité des normes de certification, à savoir celle initiée par les entreprises avec celle amorcée au niveau national sur la base des normes OAB/OIBT risque de subir des discriminations par certains marchés régionaux, en ce sens qu'il s'agit des unités régionales qui mettent en œuvre des politiques commerciales discriminatoires à l'égard des pays tiers. [13] Il s'en suit que ces regroupements régionaux modifient la répartition des échanges mondiaux.

7. Nécessité d’un aménagement durable et une certification des forêts du sud du pays

Bien que les résultats de la méthode d’aménagement soient probablement imprévisibles dans les forêts du Sud, du fait de plusieurs paramètres différentes des forêts du Nord à savoir: la différenciation climatique et topographique ainsi que la  structure végétale.

En effet les forêts du Sud du Congo sont des forêts de montagne et essentiellement riches en Limba et Okoumé tandis que celles du Nord sont des forêts de plaine et plutôt riches en Sapelli et Sipo.

Il est nécessaire de réfléchir à une méthode d’aménagement durable de celles ci, car les forêts du Sud sont pour la plupart écrémées du fait d’une surexploitation depuis 1920. LA ce jour l’aménagement durable et la certification semble concernée unilatéralement les forêts du Nord.

CONCLUSION

La méthode congolaise est une sorte de métissage des aspects techniques expérimentés dans d’autres modèles d’aménagement (MUS,SMS, études en forêts centrafricaine….). Elle est relativement efficace et permet une production optimale de bois avec moins de dégâts sur le couvert en tenant compte des études réalisées en forêts centrafricaines.

Cette méthode est cependant incomplète par manque d’activités sylvicoles visant à améliorer les caractéristiques de la forêt. Les coûts liés à sa mise en œuvre et le manque de connaissances sur la dynamique forestière congolaise rendraient moins opportunistes les exploitants à œuvrer pour la gestion durable des forêts.

Il faut pour cela:

  • Développer la recherche forestière nationale.

  • Instaurer si possible un inventaire immédiat post exploitation.

  • Conditionner l’attribution d’une concession à un engagement de gestion durable.

  • Dans la mesure du possible que l’état partage les coûts d’élaboration et de mise en œuvre avec les exploitants.

  • Créer une structure de contrôle, de suivi d’aménagement.


___________________

 

 Notes

[1] FAO, 1998, Etude pilote sur les techniques d'exploitation forestière dans les forets naturelles de la république du Congo. Etudes Pilotes sur les exploitations forestières n°7

[2] CNIAF, 2005, Normes nationales d’élaboration des plans d’aménagement forestier.

[3] GAUTIER G., THIBAULT T., 1993, L’Analyse coûts- Avantages défis et controverses, Paris, Économica, 523 pages.

[4] DUPUY B., 1998, Bases pour une sylviculture en forêt dense tropicale humide africaine, Montpellier, Cirad, Document Forafri, 4, 328 pages.

[5] APPANAH S., SALLEH M.R., 1991, Natural regeneration and its implications for forest management in the dipterocarp forest of peninsular malaysia, Paris, MAB/UNESCO, Volume 6, pp. 361-369.

[6]DUPUY B., 1998, Bases pour une sylviculture en forêt dense tropicale humide africaine, Montpellier, Cirad,  Document Forafri, 4, 328 pages. 

[7] FAO, 1994,  Conservation des ressources génétiques dans l'aménagement des forets tropicales : Principes et concepts. Etudes FAO Forêt n°107.

[8] Masson J.L., 1983,  Management of tropical mixed forests. Preliminary assessment of presentstatus,  F.A.O. Document FO: MISC/83/17, 57 pages.

[9] TRAN-HOANG A., FAVRICHON V., MAITRE H.F., 1991, Dispositifs d'étude de l'évolution de la forêt dense centrafricaine suivant différentes modalités d'intervention sylvicole. Présentation des principaux résultats après huit années d'expérimentation. Nogent/Marne,  CTFT, 61 pages. (Document interne).

[10]DURRIEU DE MADRON L., 2003, Fructification du Sapelli par classe de diamètre en forêt naturelle en Centrafrique CANOPEE n° 23.

[11]  CIB, 2006,  Plan d’Aménagement de l’UFA Kabo 2005-2039,  195 pages

 [12] BAKOUMA J., 1999, Aspects économiques et institutionnels de la gestion durable des forêts en Afrique.

[13] LLYOD P.J, 1992, Régionalisation et commerce mondial. Revue économique de l'OCDE, n°18.

_______________________________

ANNEXES

Annexe 1.

Analogies et différences entre les méthodes MUS, SMS, MSS, MO et la méthode congolaise

ITK

MUS

SMS

MSS

MO

MC

Détermination des zones à protéger

-

-

-

 

Découpage de l'UFA  en séries

Activité sylvicole avant exploitation

 

 

 

 

 

Inventaire

Cartographie et comptage des peuplements exploitation et de la régénération

Cartographie et comptage des peuplements exploitation et de la régénération

cartographie préalable des peuplements comptage des okoumés exploitables

 

Cartographie préalable des peuplements. Comptage des espèces commercialisables

Délianage

Délianage et nettoiement.

-

-

-

-

Evaluation de la régénération.

-

-

-

-

X

Activité sylvicole après exploitation

 

 

 

 

 

Inventaire de la régénération.

-

-

X

-

X

Eclaircie d'amélioration

Empoisonnement par annelation des essences compétitives ou défectueuses

Par dévitalisation

Par abattage et dévitalisation

Par dévitalisation espèces non commerciales, Eclaircie sanitaire dans les espèces commerciales

 

Enrichissement.

X

-

X

X

X

Rotation

50-70 ans

25-30 ans

40 ans

20ans

30 ans

Le taux maximum d’exploitation.

X

Le matériel sur pied résiduel restant est 32 tiges d'essences commerciales ainsi que tous les diptocarpacées de diamètre supérieur à 30cm;

30% d'arbres mûrs laissés sur pied, et de 20% de mortalité dans le peuplement résiduel à exploiter à la rotation suivant

80 tiges/ha

2,6 arbres/ha

L’abattage

 

 

 

 

Abattage contrôlé et directionnel

Coupes

Monocyclique

Polycycliques

Coupes de jardinage coupe sélective

 

Coupes sélectives polycycliques

Détermination des diamètres minimum

D> 30cm esp 2aires, D> 45cm diptocarpacées

D>50cm Diptérocarpacées, D>45cm autres essences

110cm pour les Méliacées, 90, 70 ou 50cm pour les autres essences

70cm

différente suivant les espèces

Annexe 2.

Comparaison des méthodes congolaises d’exploitation forestières

avant et après aménagement durable

ITK

Avant aménagement

 Après aménagement durable

Détermination des zones à protéger

La forêt est divisée en UFA.

Les UFA constituent les forêts de production de bois d'oeuvre.

Le plan d'affectation des terres n'est pas précis.

L'UFA est divisée en séries de conservation, production, de protection et développement communautaire.

Activité sylvicole avant exploitation

Délianage non systématique, abattage non directionnel

Délianage systématique, marquage des arbres à abattre au diamètre autorisé, abattage directionnel, débardage normé.

Inventaire

Cartographie préalable des peuplements.

Comptage des espèces commercialisables

Cartographie préalable des peuplements.

Comptage plus précis grâce au GPS et SIG.

Evaluation de la régénération

Intégrée dans l'inventaire

Idem

Activité sylvicole après exploitation

Reboisement dans certain cas et abandon dans d'autres

Idem

Inventaire de la régénération

X

 X

Éclaircie d'amélioration

X

X

Enrichissement

Recours aux espèces à croissance rapide

Création des pépinières (UPARA)

Idem

Volume maximum de production

Volume aléatoire

Le volume est précis suivant les normes d'aménagement et grâce à un meilleur inventaire dans l'UFA