ÉDITORIAL

Le 25 décembre 2007

NON AU DÉMANTÈLEMENT DES FRONTIÈRES

 DOUANIÈRES DES PAYS AFRICAINS

NON AU LIBRE-ÉCHANGE EN AFRIQUE

 

Par Aimé MIANZENZA,

 

Le 31 décembre expire la  dérogation de l'OMC concernant les APE (Accords de Partenariat Économique). La fin des APE doit aboutir à l'instauration du libre-échange et donc à la transformation de l'Afrique en une foire d'empoigne entre les Chinois et les Européens. Si elle devait intervenir, cette situation va signer l'arrêt de mort de ce qui reste encore de la production domestique  (industrielle, agricole, etc.) et provoquer la déstabilisation de nombreux pays.

Bien sûr la croissance semble être de retour : 5,% en moyenne pratiquement depuis le début des années 2000. On assiste même à une légère accélération avec 5,5% en 2006 et 6% en 2007. Des records sont enregistrés par l'Angola (20,6% en 2005, ensuite 17,6 % en 2006 et 27% en 2007 selon l'OCDE) et la Guinée Équatoriale (14,4% en 2003, 32,7% en 2004, 8,8 % en 2005, 5,3% en 2006 et 21% en 2007 selon l'OCDE), la Mauritanie (5,4% en 2005 et 19,8 % en 2006 selon la Commission Économique pour l'Afrique). Pour la Banque Mondiale, la croissance économique et le bas niveau d'inflation observés à partir de 2000 sont sans précédent depuis 1970. L'inflation est inférieure à 10% dans 32 pays sur 44 où elle devrait s'établir à 7,5% en 2007 (en excluant le Zimbabwe) et tomber à 6,5% en 2008. Cette situation s'explique par la conjonction d'une série de facteurs favorables parmi lesquels ont peut citer :

  • la bonne tenue des prix des matières premières soutenus par une demande extérieure dynamique de produits pétroliers et non-pétroliers ;

  • l'amélioration de l'environnement économique global. Cette amélioration a permis la progression de la productivité, renforcé la confiance des entreprises et favorisé la relance de l'investissement ;

  • des conditions climatiques favorables à l'agriculture ;

  • l'atténuation des conflits armés et de l'instabilité politique.

En dépit de cette amélioration, l'économie africaine n'est pas à l'abri d'un retournement. En effet, au cours des deux dernières décennies, les phases de croissance, certes plus courtes que en cours, se sont toujours terminées par un effondrement de la production, en raison de la volatilité des termes de l'échange, d'autres chocs et de la faiblesses des institutions. Le rapport de la Banque Mondiale relève également que durant la phase de croissance actuelle, plusieurs pays ont profité de l'évolution favorables des termes de l'échange (Banque Mondiale, ADI, 2008). L'amélioration continue des situations et des politiques macro-économiques laisse penser que la croissance pourrait être pérennisée.

Pour stimuler le taux de croissance et le maintenir à un niveau permettant aux pays africains de réduire la pauvreté d'ici à 2015, il faudra considérablement accroître le volume des ressources intérieures et étrangères consacrées au développement en général et aux programmes de réduction de la pauvreté en particulier. Dans le contexte actuel marqué par la globalisation de l'économie et d'opportunités de croissance pour l'Afrique, il est  impératif de continuer d'apporter une attention particulière à la stabilité macroéconomique et à celle de l'environnement institutionnel, politique et social.

Les performances en matières d'économie et d'IDE (investissement direct extérieur) du Mozambique, du Rwanda, de l'Angola, et relativement du Congo Démocratique montrent qu'il existe un dividende à la paix et la sécurité. D'autres pays qui ont connu la guerre civile ou une situation politique trouble pendant une longue période (Congo-Brazzaville, Côte d'Ivoire, Liberia, Sierra Leone, Togo, etc.), naviguant sur le fil du rasoir, sont en passe de récolter le même dividende. Le moindre facteur perturbateur est susceptible de les faire retomber dans l'anarchie. L'abolition des frontières douanières appartient à cette catégorie de facteur.

La poursuite de la croissance économique et le recul de la pauvreté dépendent donc non seulement de la capacité de chaque pays à appliquer des réformes structurelles et institutionnelles pour accroître la productivité, renforcer la résistance aux chocs et attirer l'investissement privé, mais et surtout de la stabilité politique et sociale.

Démanteler les barrières douanières reviendrait donc à ouvrir un cycle d'instabilité qui, cette fois-ci, toucherait toute l'Afrique, avec des conséquences redoutables que personne n'ose imaginer : transformer l'Afrique en un espace de "chaos social total".  Des "états de nature" hobbesiens y ressurgiraient dans la violence, créant des situations de guerre civiles permanentes. La guerre et le recours systématique à la violence deviendrait alors la règle, provoquant le délitement définitif des systèmes de socialisation.(1) L'Afrique ne mérite pas cette perspective.

Alors

Non au démantèlement des frontières douanières des pays africains,

au nom de la protection

des intérêts vitaux des populations africaines,

des productions nationales encore trop fragiles

et affaiblies par la concurrence déloyale que leur livrent

les produits des pays industrialisés subventionnés à l'exportation.

Non au libre-échange en Afrique.

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1 Matokot-Mianzenza, Sidonie, (2003), Viol des femmes dans les conflits armés et thérapies familiales. Cas du Congo-Brazzaville, Paris, L'Harmattan.


ÉDITORIAL

Par Aimé MIANZENZA,

Le Centre d'études stratégiques du bassin du Congo est un organisme apolitique qui regroupe des femmes et des hommes sans distinction de race, de pays, de religion ou d'appartenance politique. Il a pour objectif de favoriser une réflexion autonome de qualité sur les processus d'évolution des sociétés africaines au sud du Sahara, particulièrement du bassin du Congo, et de valoriser celle-ci par des publications.

La problématique du sous-développement, aujourd’hui, ne peut plus faire une impasse sur la finalité du développement économique. Automatiquement apparait la question du développement durable, dans un contexte de transformations économiques et sociales sans précédent à l’échelle mondiale et d’internationalisation des marchés, c’est-à-dire de la globalisation.

En Afrique sub-saharienne, la globalisation et la dette combinées à la mauvaise gouvernance ont conduit à la dilapidation des ressources naturelles, la dégradation de l'environnement, l'institutionnalisation de la violence, la restriction de l'accès aux services de base, l'appauvrissement et la marginalisation des populations, etc. Partout, des pétro-républiques du golfe de Guinée aux États non dotés de ressources naturelles, de l'Afrique atlantique à l'Océan Indien, la misère des populations est l'image que renvoient indistinctement tous les pays.

Très probablement, des intellectuels pourtant talentueux et témoins de cette décomposition hésitent à s'investir à l'étude de ces questions qui pourtant les concernent. Bien évidemment, dans les rares cas où ils s'investissent, ils choisissent une démarche consensuelle sans véritable intérêt du point de vue intellectuel, ni même du point de vue social. Il ne s’agit pas ici de leur faire un reproche d’une telle démarche. Cela peut se comprendre compte tenu des paramètres culturels, sociopolitiques et économiques qui influent leur action.   L’objet est de les mettre en garde contre le risque d’un manque de recul  dans un contexte  de sous-développement économique et a fortiori, face à l’insuffisante épanouissement intellectuelle et professionnelle, de tomber dans le travers des jugements hâtifs  et sans fondement solide de toute analyse qui cherche à mettre en lumière ce qui est, et ce qui n’est pas pertinent dans le mode de fonctionnement des États africains postcoloniaux.

La situation de délabrement actuelle de l'Afrique ne peux pas se passer d'une telle analyse. Soit on se résigne et on accepte le fait que l'Afrique, berceau de l'humanité, doit être aussi le berceau de la pauvreté et de toutes les misères et de leur reproduction , soit on adopte une attitude proactive en commençant par analyser chacun dans son domaine les principaux facteurs économiques, politiques et sociaux qui sapent depuis plus de quatre décennies le devenir des générations entières d'africains. Car c'est ce prix, du moins partiellement que le chemin jusqu'aujourd'hui introuvable du développement pourra apparaître.

Le Cesbc est par sa nature même ouvert à la critique ; il s'inscrit dans une distanciation face à ces déviances intellectuelles. Le Cesbc se refuse tout sujet tabou et cherche à prendre part à la réflexion qui pourra éclairer nombre des décideurs préoccupés par la situation de l'Afrique.

 

 

 
 

ÉDITORIAL

Le 07 novembre 2008

 

1955-2008 :

L’aboutissement d'un combat

 

Par Aimé D. MIANZENZA, Cesbc

 

À la naissance de l'American Civil Rights Movement, les Noirs étaient considérés quasiment comme des sous-hommes aux États-Unis. Plusieurs décennies après l'abolition de l'esclavage, les Noirs étaient victimes d'une ségrégation  raciale qui ne leur laissait aucun espoir.

1955. Le refus de Rosa Park de céder sa place à un blanc dans un bus à Montgomery (Alabama) relevait certainement de cette prise de conscience.

Les combats menés par l'American Civil Rights Movement ont permis aux Noirs d'arracher des droits souvent au prix de nombreuses vies humaines.

2008. La victoire de Barack Obama à l'élection présidentielle des États-Unis est, en quelque sorte l'aboutissement de ce combat. Les larmes chargées d'émotion versées par le Pasteur Jessie Jackson pendant l'allocution d'Obama, restituent, plus que tout, le chemin parcouru  depuis 1955 par le Mouvement des droits civiques et ce moment historique que les États-Unis était en train de vivre ce mardi 4 novembre 2008.

Cet aboutissement n'a été possible que parce des femmes et des hommes de conviction et d'exception, esprits brillants ou simples anonymes ont su structurer les revendications de la communauté noire pour un objectif et un seul : être considéré comme des citoyens à part entière dans une  nation garantissant à tous les hommes, noirs comme blancs, les droits inaliénables à la vie, à la liberté, à la quête du bonheur. 

Et l'Afrique de tout cela ?

S'il y a une leçon à retenir de cette élection, c'est que rien n'est déterminé d'avance. Le changement est possible à condition de se choisir comme dirigeants des patriotes, des femmes et des hommes qui pensent au bonheur de leur peuple, uniquement de leur peuple.  Or tel n'est pas le cas dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne. Cinquante ans après l'accession de leurs pays à l'indépendance, les peuples africains se trouvent dans la situation de Rosa Park en 1955 : méprisés par leurs propres élites et victimes de nombreuses ségrégations qui les confinent dans une situation de sous-hommes.

Aimé Mianzenza, Cesbc

 

 

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