Le 21 novembre 2007 La lÉgislation forestière CONGOLAISE À l'épreuve de la traçabilité des bois par Jean BAKOUMA, Économiste, Cesbc En 2000, le Congo-Brazzaville a modernisé sa législation forestière avec la promulgation de la loi n°16-2000 du 20 novembre 2000. Cette loi qui porte code forestier organise l’exploitation forestière, l’exportation et la transformation des produits bois sur l'ensemble du territoire congolais. La loi 16-2000 institue un cadre juridique approprié pour assurer la gestion durable des forêts et des terres forestières sur la base d’un aménagement rationnel des ressources ». Elle consacre la gestion durable des forêts (conservation et utilisation durable des ressources forestières) comme le fondement de la politique forestière de la République du Congo. Elle garantie la durabilité économique, écologique et sociale des ressources forestières nationales. La « modernisation » de la politique forestière n'a pas mis fin à l'exploitation sauvage des forêts et au commerce illégal des produits du bois. Entre 2000 et 2005, le Trésor public congolais aurait ainsi perdu entre 5 et 6,5 milliards de recettes par an. La présente étude cherche à faire l’expertise juridique de la loi 10-2000. Elle conduit à s’interroger sur le contenu et l’applicabilité des dispositifs juridiques du point de vue de la traçabilité des bois exploités et des produits bois exportés du Congo. 1. La traçabilité La traçabilité est définie comme « l’aptitude à retrouver l’historique ou la localisation d’un article, d’un produit, d’une activité ou d’un service, au moyen d’une identification enregistrée » (ISO 9001). Cette définition bien que claire n’est pas opérationnelle quant au suivi des produits forestiers. En effet, dans le contexte de la gestion forestière durable et d’application des lois forestières pour la gouvernance et le commerce, il faut plutôt parler de chaîne de traçabilité. Celle-ci peut alors se définir comme « tout chemin emprunté par du matériel brut de la forêt au consommateur final en passant par toutes les étapes successives de conditionnement, transformation, fabrication et distribution » (OIBT, FSC, 2000 ; OIBT, 2005). Suivant cette chaîne de traçabilité, on est amené à faire l’inventaire dans le corpus législatif et réglementaire actuel sur la forêt, les dispositions en matière de traçabilité des bois exploités et des produits bois exportés à partir du Congo. L’examen de ces dispositions, leur confrontation aux données de terrain sur l’exploitation, la commercialisation et la transformation du bois sont ainsi susceptibles de faire évoluer les textes de loi dans la perspective de la traçabilité des bois. 2. Forces et faiblesses des dispositifs juridiques du point de vue de la traçabilité Le premier objectif de la loi n°16-2000 du 20 novembre 2000 portant code forestier est « d’instituer un cadre juridique approprié pour assurer la gestion durable des forêts et des terres forestières sur la base d’un aménagement rationnel des ressources ». De fait, cette loi est consacrée à la gestion durable des forêts (conservation et utilisation durable des ressources forestières). Elle est établie pour garantir la durabilité économique, écologique et sociale des ressources forestières nationales. Dans l’ensemble de documents qui forment la législation congolaise en matière forestière, la question de la traçabilité n’est pas explicite. Elle apparaît plutôt dans les implications que suggèrent certaines dispositions et se limite au contrôle des volumes et des produits. La gestion durable des forêts sur la base d’un aménagement rationnel des ressources ne peut se satisfaire d’un manque de suivi des produits issus de la forêt. Par conséquent, la traçabilité doit être le premier objectif du code forestier. Il y a donc lieu de chercher, dans ce corpus législatif et réglementaire, les dispositions qui font allusion à la traçabilité des bois, mais également leur incomplétude, leur difficulté à être comprise et leur mise à mal dans l’application par l’administration elle-même et par bon nombre d’acteurs concernés par l’exploitation, la transformation et l’exportation du bois. 2.1. Des dispositions précurseurs de la traçabilité forestière À partir du circuit du bois il est possible de mettre en évidence des dispositions précurseurs à la traçabilité forestière, notamment, les textes de loi sur l’utilisation du domaine forestier de l’Etat. En effet, les dispositions de l’article 54 de la loi n°16 sur la division du domaine forestier permanent en Unité Forestière d’Aménagement (UFA) (comme élément de base de gestion et de production) ont posé les bases de la traçabilité forestière au Congo. Ces dispositions trouvent leur force d’application avec le décret n°2002-437 du 31 décembre 2002, en l’occurrence, les articles 2 à 19 précisant le zonage du domaine forestier permanent et l’article 24 en matière de plan d’aménagement. L’UFA se subdivise elle-même en Unités Forestières d’Exploitation (UFE). Deux UFE ont été créées au nord du pays et cinq UFE au sud. Cette subdivision est bien adaptée à la « fracture forestière nationale » entre le nord du pays aux ressources forestières encore abondantes et qui comporte en majorité des UFA, et le sud du pays, déjà fortement exploité où l’on retrouve majoritairement des UFE. (Arrêté n° 8516 du 23 décembre 2005). Les Unités Forestières d’Aménagement comme les Unités Forestières d’Aménagement peuvent être considérées comme « les géniteurs » de l’arbre à exploiter ; elles constituent, de fait, les premières traces du bois dans le circuit que celui-ci va emprunter. 2.2. Des Outils de contrôle pour suivre la trace au moment de l’exploitation C’est au niveau de l’exploitation économique du domaine forestier permanent que la trace de départ (le type de forêt, UFA ou UFE)) se complète des dispositions sur l’attribution de la forêt (article 65) après validation conformément aux articles 85 et 88 de la loi n°16. Trois des quatre titres d’exploitation (article 63) la CTI, la CAT et le PCBP complètent cette première trace qui est la forêt d’où est tiré le bois, puisqu’ils garantissent au titulaire des deux premiers titres, le droit de prélever sur une UFA/UFE des contingents annuels limitatifs d’essences, et au titulaire du troisième titre, le droit d’exploiter des arbres dans une forêt de plantation. Les articles 66, 69 et suivants du décret n°2000-437 instrumentalisent le suivi du bois en y intégrant des exigences en termes de volume maximum annuel (VMA) à prélever et d’autorisation de coupe annuelle. a. Préparation de la trace avant l’abattage Comme le dispose l’article 71 du décret 2002- 437 ; l’obtention de l’autorisation de coupe annuelle par le titulaire d’une CTI ou d’une CAT est subordonnée à la réalisation d’un inventaire d’exploitation et la présentation d’un certain nombre de documents par l’entreprise forestière en particulier :
Qu’il s’agisse du comptage des arbres, de la carte indiquant les parcs, du récapitulatif des volumes des grumes produites ou encore du carnet de chantier, tous ces résultats et documents pré-abattage contribuent à la collecte d’informations préalables à la traçabilité du bois. Les dispositions de l’article 76 et 77 du dit décret complètent ces informations en y introduisant le quadrillage de la coupe annuelle en parcelles de 50ha et le marquage à la peinture blanche de chaque arbre compté, ainsi que les layons. L’ensemble peut permettre par avance d’approcher partiellement au moins le géo-référencement de l’arbre.
b. De la traçabilité du bois après l’abattage Dans le système de suivi actuel, et selon les dispositions de l’article 86 et 87 du décret 2002-437, il est fait obligation après abattage d’un arbre, de marquer la souche et la culée de l’empreinte du marteau de l’exploitant et d’un numéro d’ordre suivant une série ininterrompue de 1 à 99.999. Sur les billes fournies par l’arbre abattu, outre l’empreinte du marteau, il est indiqué le numéro sous forme de fraction dont le numérateur est le numéro de l’arbre et le dénominateur un chiffre indiquant l’ordre de la bille à partir de la culée : exemple: 1/3: arbre numéro 1; 3° bille. Tout exploitant tient, par chantier ou coupe en exploitation, un carnet de chantier. Sur ce carnet, qui porte le nom du titulaire et les références de la coupe, sont inscrits les renseignements suivants relatifs à chaque arbre abattu:
L’ensemble de ces dispositions contribue à la traçabilité après abattage en ce sens, le carnet de chantier est le document centralisateur des informations permettant de suivre la trace du bois. Dans ce système, c’est le numéro de l’abattage et des billes, accompagné du marteau de l’exploitant et parfois de la zone de l’année et du type de coupe selon les entreprises qui constituent les principaux identifiants du bois. L’ensemble de ces dispositions se complètent de celles qui sont relatives à la circulation du bois et à sa transformation.
2.3. Les dispositions juridiques pour suivre la trace au moment de la circulation et la commercialisation des bois. La circulation du bois est assujettie à l’établissement d’une feuille de route conçue par l’administration forestière (article 121 du décret 2002-437). Cette feuille est établie en quatre exemplaires et numérotée par ordre de mise en service à partir du début de l’année, elle mentionne :
En fait, outre des informations sur le sens du déplacement du produit bois, la feuille de route réintègre les informations essentielles du carnet de chantier. De ce fait elle reprend la trace précédente en la complétant par le lieu de provenance et la destination du produit. La création par décret n°2002-436 du 31 décembre 2002 d’un Service de Contrôle des Produits Forestiers à l’Exportation conforte cette recherche de maîtrise de suivi des produits bois et surtout de leur volume. Plusieurs missions (article 3 du décret 2002-436) ont été confiées au Service de Contrôle des Produits Forestiers à l’Exportation (SCPFE), parmi lesquelles un certain nombre ont directement trait à la traçabilité en particulier :
La fonction de contrôle dévolue au SCPFE est provisoirement déléguée par le Gouvernement congolais à la Société Générale de Surveillance (SGS). Par convention signée le 14 août 2003 entre le Gouvernement de la République du Congo et la SGS, celle-ci est appelée à fournir une assistance selon un processus « Développement Opération Transfert » (DOT) qui consiste entre autre à :
Ces activités sont conduites par le Programme de Contrôle des Produits Forestiers à l’Exportation (PCPFE). Le Service de Contrôle des Produits Forestiers à l’Exportation (SCPFE) appose un visa sur les feuilles de spécification établies par les exportateurs à l’appui des déclarations en douanes, quel que soit le pays d’origine des lots exportés. Ces portent les références des produits, le nom du titulaire de la convention ou permis et sa catégorie de taxation indiquée par son marteau triangulaire (article 135 du décret 2002-437). Pour chacune de ses interventions sur la vérification des bois destinés à l’exportation, le SCPFE délivre une Attestation de Vérification Export (AVE) pour les exportations légales (Circulaire n°2407/MEFE/CAB-SCPFE de décembre 2004). 2.4. Les supports de la traçabilité dans le processus de transformation Dans le processus de transformation du bois, on distingue le cas où l’industrie de transformation n’est pas intégrée à une exploitation forestière, et le cas où son propriétaire est titulaire d’une convention d’aménagement forestière et de transformation, ou d’une convention de transformation industrielle (article 114 du décret 2002-437). Dans les deux cas, les dispositions de l’article 119 du même décret montrent que le volume de bois entrés en usine, le volume traité puis le volume des produits obtenus constituent les seuls éléments de traçabilité en volume du bois. Ceux-ci sont indiqués sur les colis en particulier, le nom de l’exploitant ou du fabricant, le numéro de contrat et le nombre de pièces (chercher la référence juridique sur le marquage des colis). Conclusion La loi n°16-2000 ne met pas clairement en avant la question de la traçabilité des produits bois. Toutefois, en rapport avec la gestion durable des forêts, elle prévoit des dispositions qui permettent de suivre et de contrôler la traçabilité du bois de l’amont à l’aval du circuit. La traçabilité telle qu’elle est conçue dans le système de contrôle actuel comporte encore des failles. En effet, de nombreuses souches ne sont pas marquées ; sur celles qui le sont, certains marquages sont illisibles. Toutefois, l’ensemble des dispositifs juridiques permet de connaître les volumes de bois ou des produits bois, et pratiquement tous les acteurs de la chaîne de contrôle cherchent à « re-cuber le bois ». La persistance de l’exploitation sauvage et du commerce illégal du bois reflète les faiblesses des textes de loi à la fois dans leur contenu que dans leur applicabilité
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